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Perturbateurs endocriniens : la France a-t-elle trahi ?

Débat compliqué à suivre sur la 7e définition des perturbateurs endocriniens proposée par la Commission, adoptée le 4 juillet 2017 par une majorité qualifiée des Etats, dont la France, qui appartenait jusqu’alors au camp des irréductibles avec la Suède et le Danemark et dont la défection a fait basculer le vote. Cette définition ouvre la voie à une réglementation pour l’instant inexistante, à l’exception du bisphénol A interdit par directive mais pour les seuls biberons. D’un côté le ministre de l’environnement, Nicolas Hulot, défend « une avancée » qui va, selon lui, permettre de retirer du marché des produits dangereux, de l’autre, Corinne Lepage, un certain nombre d’ONG environnementales et quasi toutes les sociétés savantes considèrent que la France a capitulé.

En 2016, une précédente proposition de la Commission avait été critiquée parce qu’elle exigeait un niveau de preuve jugé trop élevé pour interdire un perturbateur endocrinien et s’en tenait aux effets « avérés », alors que les scientifiques et les ONG voulaient, sur le modèle de ce qui existe en cancérologie, une échelle graduée, danger avéré, danger présumé, danger suspecté. De plus, le projet de 2016 ne s’appliquait qu’aux pesticides, là où beaucoup d’autres produits (contenants alimentaires, cosmétiques, jouets) contiennent des perturbateurs. La définition adoptée le 4 juillet 2017 est un compromis : elle intègre désormais, au-delà du risque « avéré », le risque « présumé » mais pas le risque « suspecté ». Par ailleurs, si la nouvelle définition ne s’applique toujours qu’aux pesticides, le ministre de l’environnement français souligne qu’ont été obtenus, outre des crédits pour la recherche, le lancement d’une Stratégie européenne prenant en compte les autres expositions dans les jouets, les cosmétiques et les emballages alimentaires : de fait, le Communiqué de la Commission affirme que la réglementation s’étendra à ces domaines. A l’inverse, l’Allemagne a bien obtenu une exemption pour certains pesticides qui s’attaquent au système hormonal des insectes « nuisibles » aux cultures. Nicolas Hulot, qui reconnaît ne pas avoir eu gain de cause sur ce point, promet oralement (vidéo sur Francetvinfo du 4 juillet 2017) que la France « sortira unilatéralement ces produits du marché si la dangerosité est avérée », ce qui posera sans doute un problème juridique.

L’on mesure que les positions en présence ne sont pas du type blanc/noir. Certes, les scientifiques et les ONG environnementales auraient souhaité que le principe de précaution s’applique intégralement à la définition de substances dont la dangerosité semble tenir moins aux doses qu’à la répétition des expositions et à la vulnérabilité de certains terrains (jeune enfant, femme enceinte…). De plus, les précédentes analyses des directions générales de la Commission européenne ont eu tendance à nier la dangerosité des perturbateurs et à beaucoup écouter les lobbies des industriels, ce qui a créé un climat de méfiance et de suspicion, à vrai dire sans doute mérité. Enfin, l’exemption demandée par l’Allemagne et qui lui a été accordée n’a pas de sens et décrédibilise la démarche. De l’autre côté, pour discuter enfin d’une réglementation et sortir d’un statu quo où personne n’est protégé, il a été considéré que les concessions accordées étaient suffisantes. Le texte sera examiné au Parlement européen. L’on verra bien alors quel camp l’emporte, les réalistes, les exigeants ou…les cyniques, ceux qui voudraient enterrer toute interdiction faute de preuves. La guerre ne fait que commencer.