Djihadistes: révolte générationnelle et radicalité choisie

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Djihadistes: révolte générationnelle et radicalité choisie

Quatre chercheurs ont publié en août 2017 une étude que l’on peut trouver sur le site GIP-recherche-justice intitulée « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente ». Il s’agit d’une étude qualitative, menée sur le fondement d’entretiens approfondis avec 20 personnes condamnées pour terrorisme, dont 13 jeunes hommes (25-30 ans) pour terrorisme djihadiste. A s’en tenir à l’échantillon, par définition non représentatif mais dont on ne peut s’empêcher d’interpréter les caractéristiques dominantes, les djihadistes n’ont pas, majoritairement, un passé de délinquant (4 seulement), ils n’ont pas été en situation d’échec scolaire (ils ont fait le plus souvent des études courtes et occupé des petits boulots) et ne viennent pas majoritairement de familles déstructurées, même si certains sont dans ce cas. Leur entrée dans l’Islam s’est effectuée tardivement et sur le mode de la rupture contre un « Islam des parents » et contre des parents eux-mêmes, jugés passifs et peu courageux. La radicalisation s’est effectuée grâce à l’influence d’Internet mais aussi, pour 11 sur 13, par un réseau amical et, fréquemment, par une rencontre décisive ou un voyage. L’engagement dans la radicalisation présente un côté artisanal…Les personnes n’expliquent pas leur révolte par des discriminations qu’elles auraient subies mais par l’identification à une communauté opprimée (dont les contours sont imprécis) et un sentiment d’obligation morale liée à une situation géopolitique jugée injuste. La révolte alors devient un activisme où la violence la plus extrême est légitimée par l’engagement religieux. Au final, même si les auteurs de l’étude restent prudents et pensent que les explications concurrentes de la radicalisation avancées par les experts doivent être combinées plutôt que prises isolément, on constate que l’explication de Gilles Kepel par l’incubation salafiste ne semble guère se vérifier. Celle d’Olivier Roy, qui souligne que les jeunes concernés ont souvent un passé très ordinaire, peu religieux en tout cas, et qui voit dans le djihadisme une révolte générationnelle contre des parents jugés trop soumis, prend de la force à la lecture de l’étude. Les djihadistes seraient ainsi d’abord des activistes forcenés, en partie mus par la compassion envers une communauté rêvée mais sans projet politique clair et sans même réelle religiosité : ils choisiraient davantage la radicalité que l’Islam ou ne choisiraient l’Islam que pour prouver leur radicalité. Ils sont devenus des esprits rigides, inaptes au dialogue, attachées à des vérités qu’ils jugent absolues, justifiant toutes les violences au nom de la religion, y compris pour eux-mêmes puisqu’ils sont prêts à mourir. La sortie de détention peut être, selon un des auteurs, une catastrophe si l’on ne trouve pas un moyen de les accompagner et d’ébranler leurs certitudes.