Scolarisation précoce: définir une politique

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Scolarisation précoce: définir une politique

La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école a redéfini le rôle de l’école maternelle, considérée les années précédentes plutôt comme une garderie que comme un lieu de développement : aux termes de ce qui est devenu l’article L321-2 du Code de l’Education, la maternelle est alors définie comme un lieu d’éveil et de stimulation, tendant à mieux prévenir les difficultés scolaires et les inégalités et à préparer les enfants à la scolarité et à l’apprentissage. Un rapport annexé à la loi prône alors la scolarisation précoce dès deux ans : si elle est organisée dans des conditions adaptées aux besoins des tout petits, c’est, dit-il, un levier essentiel pour la réussite scolaire des enfants de milieux défavorisés. Il a alors été décidé de privilégier l’accueil des moins de 3 ans dans les secteurs de l’éducation prioritaire, dans les secteurs ruraux isolés et dans les départements et régions d’outre-mer. Le bilan d’entrée n’était franchement pas bon : comme le montre une note de juin 2014 de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale), la scolarisation des moins de 3 ans a constamment baissé de 1999 (35 %) à 2012 (11%), moins dans l’Education prioritaire (15 %) que dans les autres zones (4 %). Ce printemps 2017, l’Inspection générale de l’Education nationale publie, à la demande du ministre, un bilan depuis 2013 de la scolarisation, en petite section de maternelle, des 2-4 ans. Quantitativement, on reste loin du compte : la baisse a cessé mais avec 11,5 % des enfants de 2 à 3 ans admis en maternelle en 2015, on assiste plutôt à une stabilisation qu’à un vrai changement.  Qualitativement, le rapport n’a pas de doute sur l’importance de cet accueil pour lutter contre les inégalités sociales. Il mentionne toutefois une intéressante étude d’évaluation menée dans deux départements des Alpes : la scolarisation précoce a un impact très positif sur les apprentissages liés aux activités physiques, aux règles de vie et au langage oral. En revanche, elle en a peu sur les tâches cognitives plus complexes (se représenter, anticiper, mémoriser, faire des liens…). Définir des objectifs quantitatifs et qualitatifs clairs à une telle décision est donc la première recommandation de l’Inspection générale, qui pointe l’absence d’un discours politique précis sur ce sujet, au-delà de recommandations générales. Quant aux modalités d’accueil des tout petits, elles sont trop diverses (dispositif dédié ou mélange d’enfants de tous âges, parfois jusqu’à 6 ans) pour être de qualité. Il faut privilégier les classes de niveau 2-4 ans, y affecter des enseignants choisis sur profil (ce n’est pas toujours le cas, on y trouve parfois des stagiaires…), investir dans la formation, en personnel d’accompagnement et en équipement. Le rapport souligne avec une cruauté involontaire (ou pas) les aléas d’une politique publique qui, sur ce point, ressemble à beaucoup d’autres : lancées par des ministres plutôt par slogan que sous forme d’orientations précises, elles sont inégalement mises en œuvre, sans toujours suffisamment de réflexion ou d’exigence, et leur impact est diffus, fonction de contextes locaux favorables ou moins bienveillants. Définir une politique, c’est aller jusqu’au bout.