Enseignants : la Cour se répète

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Enseignants : la Cour se répète

La Cour des comptes publie le 4 octobre 2017 un rapport public thématique « Gérer les enseignants autrement, une réforme qui reste à faire ». Déjà en 2013, elle avait publié un rapport au titre identique, qui avait marqué les esprits, sans que les préconisations soient pour autant appliquées. Elle y revient, avec une sorte d’acharnement, mais il est vrai que l’enjeu de « l’enseignement scolaire » (premier et deuxième degré) est important : principal poste du budget de l’Etat (67,7 Mds en 2016, soit 21,5 % des dépenses du budget général),  plus de 12 millions d’élèves concernés, 875 000 enseignants, une dépense d’éducation correspondant à 5, 2 % du PIB (équivalente à celle des autres pays de l’OCDE, même si elle est inférieure dans le premier degré), et des résultats médiocres, à la fois en termes de compétences des élèves et d’équité. La Cour martèle le message : il faut utiliser la gestion des enseignants comme levier pour améliorer la situation. Les quelques mesures du quinquennat antérieur (efforts de recrutement, rétablissement d’une formation initiale, encouragement au travail en équipes par la réforme des collèges, mesures en faveur de l’éducation prioritaire) n’ont pas modifié les règles de gestion. La Cour revient donc sur ses propositions antérieures. Il faut, dit-t-elle, définir le service des enseignants autrement et annualiser leur charge de travail au lieu de décompter un nombre d’heures de cours hebdomadaire : l’enseignant doit appartenir à l’établissement, y être présent et s’y investir. Son « forfait annuel » doit également prévoir des heures de formation.  La Cour plaide pour la bivalence, voire la polyvalence des enseignants dans le secondaire, au moins les premières années. Elle plaide enfin pour le renforcement des pouvoirs des directeurs d’établissement, notamment lors du processus d’évaluation des enseignants, y compris à l’école primaire où ils ne disposent pas aujourd’hui du pouvoir hiérarchique.

Les enseignants vont être agacés par l’insistance portée à des considérations de meilleure utilisation du temps : l’annualisation n’est pas seulement, pour la Cour, un moyen d’exercer autrement son métier, d’inciter à un travail plus collectif et d’avoir des échanges plus fréquents avec les élèves. C’est aussi une manière d’obliger les enseignants à assurer les remplacements dans leur établissement. Il en est de même de la polyvalence, qui est une réponse commode à des difficultés de recrutement ou à des surnombres disciplinaires. De même, la Cour démontre que les pouvoirs publics ont, ces dernières années, beaucoup donné sans grande exigence en retour : entre 2012 et 2016, la masse salariale des enseignants a augmenté de 7,5 % (2,5 % pour l’ensemble des fonctionnaires). Cela va continuer : les enseignants ont été les grands gagnants du protocole PPCR (protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations) mis en place à partir de 2016 et leur carrière va s’améliorer. Le rapport regrette l’occasion perdue d’une négociation donnant donnant, manière peu valorisante d’aborder un métier très sacralisé, pour lequel les considérations pédagogiques doivent primer. Il est vrai que la Cour souhaite par là-même l’élaboration d’une stratégie d’ensemble, emploi, rémunération, carrière, temps de travail, ce qui paraît convaincant.

 D’autres propositions de la Cour ne pourront de toute façon pas être récusées : il est impératif de changer les méthodes d’affectation pour répondre à l’hétérogénéité des élèves, de professionnaliser davantage la formation initiale, de développer la formation continue et de mieux l’intégrer à la gestion des parcours, d’établir un lien entre l’évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles, d’enrichir les pratiques collectives.  Sans surprise, la réponse du ministre au rapport est très convenue : pour chaque proposition, il affirme qu’elle est déjà partiellement en place mais, pour aller plus loin, juge nécessaire une analyse plus poussée pour tenir compte des obstacles. La réforme de la gestion des enseignants, chantier décisif mais, il est vrai, très sensible, n’est guère une priorité.