Application de la loi DALO : dysfonctionnements à tous les étages

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Application de la loi DALO : dysfonctionnements à tous les étages

Le Comité de suivi de la loi DALO (loi du 5 mars 2017 instituant le droit au logement opposable) a fait paraître en octobre 2017 son 11e rapport : http://www.hclpd.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_bilan_2008-2016_webok.pdf. Rappelons que, selon la loi, les personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder au logement par leurs propres moyens et qui sont reconnues prioritaires pour l’accès à un logement social par une commission départementale de médiation (COMED), soit parce qu’elles sont sans logement, soit parce qu’elles sont logées dans des conditions indignes, soit parce qu’elles ont subi une attente anormalement longue pour accéder au logement social, doivent se voir proposer un logement, pris sur le contingent préfectoral jusqu’en 2016 et qui, à l’avenir, sera pris sur le contingent de tous les « réservataires » de logements sociaux, bailleurs sociaux et collectivités territoriales.  Comme d’habitude, le rapport 2017 est un rapport de déploration : la loi n’est, depuis 2008, pas correctement appliquée, ce qui, de fait, est scandaleux, même si l’on peut espérer que, grâce à la loi Egalité et citoyenneté qui élargit le champ des logements accessibles aux « bénéficiaires DALO » et fixe le pourcentage des logements qui doit leur être réservé (25%), la situation évolue favorablement à partir de 2017 ou 2018. Le rapport 2017 reste cependant tout à fait surprenant. Mettons côte à côte les données qu’il produit : malgré une crise du logement aiguë, le nombre de demandes DALO stagne depuis 2014. Parallèlement, le nombre de ménages « reconnus DALO » par les COMED baisse depuis 2013 et 29 % seulement des demandes sont acceptés, parce que les COMED, par réalisme mais en violation de la loi, excluent de la reconnaissance DALO les ménages les plus modestes qui n’ont aucune chance de passer le filtre des commissions d’admission, qui sont les véritables décisionnaires. De fait, même la « reconnaissance DALO » ne suffit pas : tous les « bénéficiaires DALO » ne sont pas relogés et, si, sur la période 2008-2016, 124 000 ménages ont pu l’être, il en reste 55 000 qui ne l’ont pas été et attendent, depuis parfois 9 ans, dont la grande majorité se situe en Ile de France. Il y a un lien entre ces données : si, parmi les bénéficiaires DALO, ne sont relogés ceux que qui sont à peu près solvables et acceptables par les commissions d’admission, l’on comprend que les demandes d’inscription faiblissent et que les COMED se lassent de reconnaître comme prioritaires des personnes dont la demande n’a ensuite aucune chance d’aboutir. Dans ces conditions, il faudrait conclure que la loi DALO ne sert pas à grand-chose, qu’à occuper des personnes à des instructions de dossiers quelque peu formelles : seule serait efficace une obligation stricte faite aux membres des commissions d’admission de choisir en priorité des demandeurs répondant aux critères DALO, avec cotation des demandes et décisions susceptibles de recours. Eh bien non : le rapport du Comité de suivi demande aux travailleurs sociaux de se mobiliser et de déposer davantage de demandes DALO et il souhaite qu’une mission d’Inspection générale rappelle la loi aux COMED qui trient aujourd’hui les demandes sur des critères illégaux. cela augmentera le nombre des personnes reconnues prioritaires mais elles n’obtiendront pas plus satisfaction qu’aujourd’hui. Faire mieux fonctionner un dispositif illusoire ne l’empêche pas de rester tel : on se donne bonne conscience en défendant les pauvres mais on les envoie dans le mur après un détour vers la bureaucratie des COMED. Le rapport du Comité de suivi vante, en Ile de France, un protocole signé entre l’Etat et Action logement (les bailleurs) pour qu’un travail d’instruction plus soigné et plus « empathique » soit fait en amont de l’attribution, pour maximiser les chances des demandeurs DALO à obtenir un logement. Cependant, quand on veut rendre des personnes prioritaires, on les rend prioritaires, par la loi, auprès des personnes qui prennent la décision, sans passer par « l’empathie ». Restera toutefois à regarder comment la loi Egalité et citoyenneté sera appliquée désormais : outre l’obligation de réserver 25 % des logements vacants aux bénéficiaires DALO, elle oblige les EPCI ayant la compétence habitat à créer une Conférence intercommunale de logement qui adopte des objectifs quantifiés d’attribution pour les plus défavorisés et pour les autres publics. En outre les réservataires et les bailleurs doivent rendre publiques les conditions dans lesquelles ils procèdent à la désignation des candidats au logement social. Les formulations sont encore alambiquées mais, jointes à l’obligation de réserver une part  des vacances aux demandeurs DALO, elles permettent d’avancer toutefois vers plus une politique plus simple et plus transparente.

Pergama