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Conseil constitutionnel: un peu plus d’audace, camarade !

Dans une décision du 8 décembre 2017, le Conseil constitutionnel, saisi d’une Question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 5 du statut de la magistrature (qui soumet les magistrats du parquet à l’autorité de leur hiérarchie et à celle du ministre de la justice), s’est livré à un exercice juridique délicat, consistant à considérer que des dispositions contradictoires (cet article 5 et l’article 64 de la constitution, qui évoque l’indépendance de l’autorité judiciaire) formaient un ensemble équilibré et harmonieux. La décision est très courte et presque abrupte : elle mentionne à peine les arguments développés par les auteurs de la QPC en faveur de l’inconstitutionnalité de l’article 5.   Elle conclut que l’indépendance est garantie mais doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement, ce qui, miracle de la vie juridique, est justement le cas. Quant à l’argument selon lequel les magistrats du siège ne sont pas soumis à l’article 5 du statut alors que, précisément, leur indépendance est pleinement garantie, le Conseil répond que, pour le parquet, l’indépendance est simplement assurée par d’autres moyens qu’elle ne l’est pour les magistrats du siège et que tout cela ne méconnaît absolument pas le principe de la séparation des pouvoirs. Au vu de la décision, l’on se demande bien pourquoi le débat d’une révision constitutionnelle obligeant le ministre à gérer les magistrats du parquet sur le modèle de ceux du siège (à savoir sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature) est posé depuis des années et promis pour 2018 par l’actuel gouvernement.  On se demande bien pourquoi la Cour de cassation a organisé en 2015 un colloque sur le statut du magistrat à l’occasion duquel le statut du parquet a été longuement évoqué. L’on se demande aussi où la Cour européenne des droits de l’homme veut en venir lorsqu’elle considère (tous les arrêts sur ce sujet figurent dans le dossier établi par le Conseil constitutionnel pour examiner la question !) qu’un procureur ne peut prendre aucune décision de privation de liberté et ne peut être qualifié de juge, précisément parce qu’il existe un lien de dépendance avec le ministre de la justice. Toutes les décisions des membres du Parquet en ce sens peuvent ainsi être cassées…Mais bon, le Conseil constitutionnel sait lire : dans la Constitution, il est écrit que l’indépendance de la magistrature est garantie par le Président de la République, donc elle l’est, la preuve.