Dépassements d’honoraires, à la baisse ou à la hausse?

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Dépassements d’honoraires, à la baisse ou à la hausse?

La Caisse nationale d’assurance maladie a fait paraître le 29 novembre 2017 un dossier sur les dépassements d’honoraires dans lequel elle se glorifie de la baisse du « taux de dépassement » d’honoraires des médecins exerçant en secteur 2 et, en particulier des spécialistes. Le taux de dépassement moyen utilisé est le rapport entre le montant des dépassements pratiqués par les médecins à honoraires libres et le montant des honoraires remboursables correspondants (le tarif opposable).

Le taux de dépassement est désormais en 2016, pour les spécialistes de secteur 2, de 52,5 % alors qu’il était de 56,9 % en 2011. Cela signifie que, pour des honoraires remboursables de 30€ (qui seraient restés à ce niveau de 2011 à 2016), le médecin réclame en moyenne 45,75 € en 2016, alors qu’il réclamait 47,07€ en 2011. La CNAM impute cette baisse, qu’elle juge importante et qui a, c’est vrai, le mérite d’exister, à la mise en œuvre à partir de 2012 du contrat d’accès aux soins par lequel les médecins s’engageaient avec l’assurance maladie à maitriser leurs dépassements en échange d’une meilleure prise en charge de leurs cotisations et d’application de tarifs de facturation plus favorables. Le dispositif a été remplacé dans la convention médicale de 2016 par le versement d’une prime aux médecins adhérents, prime dont le montant augmente avec la part de l’activité exercée au tarif opposable.

Les associations de défense des assurés se sont étranglées en lisant le document, qui transpire, il est vrai, l’autosatisfaction. Ils ont rappelé que d’une part, la situation mesurée est une situation moyenne qui ne rend pas compte de la situation dans les grandes villes où les taux de dépassement sont bien plus importants et où les habitants ont peu de choix, puisque certaines spécialités sont toutes en secteur 2.  Le document de la CNAM ne cache pas au demeurant que le taux de dépassement varie entre 11 % en Lozère et 114 % à Paris et que certaines spécialités (les chirurgiens) ont, pendant la période, augmenté leur taux de dépassement, les spécialités les plus « baissières » étant les psychiatres et les gynécologues. La baisse est donc mal répartie…et touche peu ou moins les médecins qui pratiquent des taux de dépassement très importants. Surtout, deux points relativisent très fortement la réussite dont se vante l’assurance maladie : premier point, les dépassements ont augmenté en valeur absolue pendant la période, passant de 2,35 Mds à 2,66 de 2011 à 2016. La baisse du taux de dépassement signifie donc que les dépassements ont simplement augmenté moins vite que les dépenses remboursables chez les spécialistes (l’augmentation de ces dernières étant notamment due à l’augmentation des actes techniques, comme le montrent les comptes de la santé sur 2016). Reste qu’ils ont augmenté et que donc les malades ont payé davantage quand bien même le taux de dépassement a baissé. Deuxième point, sans doute le plus important : dans son rapport 2017 sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes calcule le « coût moyen du dépassement évité ». Elle considère que les honoraires libres auraient, sur leur lancée, augmenté de 35 millions alors que l’assurance maladie en a dépensé, en avantages divers servis aux médecins pour leur demander d’éviter cette hausse, 320 millions. Le ratio (10 euros dépensés pour faire baisser de 1€ les dépassements) peut sans doute être sujet à discussion. Reste qu’il est évident que l’assurance maladie, pour afficher une réussite politique, a acheté la baisse des honoraires libres et sans doute à un coût excessif, plutôt d’ailleurs auprès des médecins qui pratiquaient des dépassements modérés. Au demeurant, la convention 2016 toute entière est une sorte d’énorme paquet cadeau pour les médecins, destiné à acheter la paix en période politiquement sensible. Reste surtout que les tendances lourdes (augmentation des médecins spécialistes en secteur 2 et alourdissement des honoraires libres) ne sont absolument pas dominées. La CNAM joue toujours le jeu de l’apaisement des tensions, pas vraiment celui d’une politique de santé de qualité.