Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants est en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Le texte est court : c’est un texte de principes. Il prévoit :
Les présidents d’université l’ont donc emporté, eux qui voulaient un accès « sous conditions », sur ceux qui plaidaient pour que les candidats, certes mieux informés et mieux orientés, gardent le dernier mot. C’est sans doute, au vu des taux d’échec en licence notamment (61 % des inscrits ne parviennent pas à obtenir la licence dans laquelle ils s’étaient engagés et abandonnent ou se réorientent), une sage décision. Reste que la sobriété du texte de loi ne permet pas d’apporter toutes les précisions souhaitables. La publication en décembre par le ministère du cadrage national des attendus sur la licence ne permet pas tout à fait d’être bien informés sur ceux-ci, tant ce cadrage reste général, recouvrant par exemple la capacité de « mobiliser des compétences d’expression écrite et orale » ou de « disposer d’aptitudes à la compréhension, à l’analyse ou à la synthèse d’un texte » https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Actus/16/8/AttendusLicence-_12-12-2017_867168.pdf.
Comment les conseils de classe de terminale vont-ils synthétiser les acquis de la formation des élèves et leurs « compétences » de manière suffisamment précise pour que les établissements d’enseignement supérieur puissent vérifier leur cohérence avec les attendus de la formation ? Comment mettre en place, dans l’urgence, les nécessaires dispositifs d’orientation, même si des efforts ont été entrepris dès avant le vote de la loi (mise en place de 2 semaines d’orientation, nomination de deux professeurs principaux dans les classes concernées), surtout avec 40 000 étudiants en plus en 2018 ? Comment enfin s’assurer que les étudiants admis seront mieux suivis et que le « contrat de réussite pédagogique » qui doit être signé avec l’établissement d’accueil sera respecté ? Le rapporteur de l’Assemblée nationale se veut rassurant http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r0446.asp. Il met en avant les moyens complémentaires promis : 500 millions sur les années 2018-2022, mais qui seront en partie consacrés au développement de nouvelles places dans les filières dites en tension (32 000 places nouvelles ouvertes à l’horizon 2022, dont 7 000 en STS, avec de ce fait 2 500 emplois permanents créés). 450 millions du Grand plan d’investissement seront en outre consacrés à la transformation du premier cycle, afin de financer et d’accompagner les évolutions pédagogiques nécessaires, notamment au travers du recours au numérique.
Une fois passées les difficultés de la première mise en place, les points d’achoppement porteront certainement sur les moyens, très probablement insuffisants. Mais pas seulement. Les précédentes réformes, y compris celles tendant à une meilleure réussite des étudiants, ont montré que l’implication des établissements d’enseignement supérieur est très inégale. La gouvernance des universités et des écoles est parfois faible, le milieu est très individualiste, peu désireux parfois de s’engager dans des innovations pédagogiques. De ce fait, la loi ne peut pas tout, surtout si les moyens sont limités. Les gouvernants actuels gèrent, plutôt bien, l’héritage de leurs prédécesseurs, ils y mettent du courage et de la cohérence. Restera l’application de terrain, en l’occurrence plus qu’incertaine.