Apprendre à lire n’est pas du bricolage

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Apprendre à lire n’est pas du bricolage

L’évaluation des élèves de CM1 en lecture réalisée par le programme PIRLS (programme international de recherche en lecture scolaire) a été publiée en décembre dernier. La France est quasiment au dernier rang des pays européens : elle est passée de 525 points en 2001 à 520 en 2011 et à 500 aujourd’hui. C’est surtout en interprétation et en compréhension du texte (intentions de l’auteur, jugement sur les idées émises) que les enfants français ne sont pas bons : ils parviennent mieux à repérer les informations d’un texte. Les enseignants incriminent les inégalités sociales, les évolutions d’une société où on ne lirait plus et la taille des classes. Le reste du pays incrimine l’école et la faiblesse de la formation des enseignants. Tous devraient s’accorder cependant sur la gravité du problème et l’urgence d’étudier une réponse de fond. Le ministre a répondu par des consignes : une dictée quotidienne, une récitation quotidienne et une lecture à voix haute. Il recommande un apprentissage systématique du vocabulaire, de la grammaire et de l’orthographe. Les programmes scolaires vont changer et le ministre va demander aux écoles de mieux former les enseignants en lecture.  Il recommande enfin aux enseignants de s’appuyer sur des pédagogies « explicites et structurées » dont il promet qu’il va les leur indiquer. Le message, comme toujours, s’adresse aux Français moyens qui croient que les élèves ne sont pas bons parce que les enseignants utilisent des méthodes fantaisistes (« L’anarchie pédagogique » dit le ministre) et refusent des exercices de base ingrats, comme la si bénéfique dictée. Sauf que, ce qui en cause ici, ce ne sont pas les heures consacrées aux « fondamentaux », mais une vraie formation pédagogique sur une question compliquée.

Un jeune économiste du CNRS, T. Gajdos, a répondu au ministre dans les colonnes du Monde le 22 décembre 2017. Il nous confirme qu’il existe des méthodes scientifiques mises au point par des chercheurs sur l’apprentissage de la lecture, dont un programme anglo-saxon, « Reading Recovery », qui s’adresse à des élèves en difficulté de lecture et a fait l’objet d’une vaste évaluation de terrain. Pour appliquer la méthode, les enseignants reçoivent une formation longue et intensive, théorique et pratique. Les élèves pris en charge doivent y consacrer 30 minutes par jour, en cours particulier, pendant 10 semaines. Le programme est mis en œuvre aux Etats-Unis à destination d’élèves en grande difficulté et l’évaluation est très positive.

Le sens de l’article de T. Gajdos n’est sans doute pas de recommander l’application à l’ensemble des élèves d’un programme aussi lourd. Il est de dire qu’il faut prendre sérieusement un problème sérieux. T. Gajdos juge que les propos du ministre, qui se veut pourtant un scientifique, relève d’un « bricolage consternant », surtout après des résultats qui devraient le préoccuper gravement. Si la priorité est l’école, dit-il, il faut y mettre des moyens mais (l’on s’éloigne de l’article) un peu de réflexion aussi. De temps en temps, l’on aurait envie que les ministres soient élus sur un programme, comme les procureurs aux Etats-Unis. Et alors, il n’aurait pas fallu voter pour J-M Blanquer.