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Architecture carcérale et sens de la peine

Site consacré à « l’urbain », Métropolitiques publie ce mois de janvier 2018 un intéressant dossier sur la prison en tant que lieu physique. L’introduction rappelle longuement l’augmentation du nombre de détenus (celui-ci a doublé depuis 1980), avec, depuis 2015, une forte hausse des détentions provisoires. Ce phénomène explique, sans vraiment le justifier, que, dans la dernière campagne électorale, la prison n’ait été abordée que sous l’angle de la création de places supplémentaires. Lieu surpeuplé, la prison oscille continuellement entre respect des personnes, volonté d’amélioration du confort et de relative ouverture (enseignement, visites) et primauté de l’ordre, de la surveillance, des contraintes. Certaines prisons modèles, en Espagne, ont innové architecturalement pour exprimer physiquement la volonté de réinsertion et donner une certaine autonomie aux détenus. Mais en France, les contraintes spatiales restent fortes. Ainsi, les familles peinent à trouver une place : elles ont accès au détenu, les liens familiaux doivent en théorie être préservés mais jamais la rencontre n’a lieu dans un endroit qui permette l’intimité. Les hiérarchies sociales sont répercutées en prison puisque l’accès à certains biens dépend des aides extérieures. Le chapitre sur la communication est particulièrement intéressant : les détenus ont constamment besoin des surveillants, pour circuler, pour aller à la douche, au parloir, aller voir le médecin. Des conflits naissent de cette servitude mutuelle. Quant aux communications entre détenus et membres de l’administration, elles relèvent de l’exception : le directeur se déplace rarement en détention, le chef de la détention a son bureau dans le bâtiment administratif, les conseillers d’insertion et de probation eux-mêmes n’y sont pas si fréquemment.  Dans les centres de peine « ouverts », où les portes des cellules sont ouvertes plusieurs heures par jour, il est possible d’aller voir directement le chef de détention. Ailleurs, et notamment dans les maisons d’arrêt où les portes sont fermées, c’est rare. L’administration témoigne d’un grand souci de verticalité, elle se protège avec fermeté : il faut demander un rendez-vous formel pour être reçu en indiquant le motif. La demande est nécessairement individuelle, écrite, toujours vue comme une demande de dérogation, d’exception, jamais comme un droit. Même une simple pétition serait susceptible de sanctions…Les détenus se plaignent alors de l’absence de réponses et les demandes mal exprimées ne sont pas comprises. Les détenus soufrent donc à la fois de promiscuité avec les autres détenus, de dépendance à l’égard des surveillants pour le moindre déplacement et de la distance imposée par les responsables qui travaillent à l’écart et qui ont seuls un pouvoir de décision. Au final, ils sont laissés à eux-mêmes : ils doivent, s’ils veulent bénéficier d’un statut meilleur et préparer leur sortie, chercher un emploi, une formation, un hébergement. Mais les ressources qui pourraient les y aider ne sont pas fournies. La prison peut-elle alors faire autre chose que punir ?