Asile, les chiffres 2017 sont connus mais que se passe-t-il avant la demande?

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Asile, les chiffres 2017 sont connus mais que se passe-t-il avant la demande?

L’OFPRA a publié le nombre des premières demandes d’asile reçues en 2017 : 73 700, auxquels il faut ajouter 19 000 mineurs accompagnants et quelques réexamens, soit, au total, un peu plus de 100 000. Plusieurs précisions figurent sur le site de l’OFPRA : en 2017, 43 000 personnes (ce ne sont pas nécessairement les demandeurs 2017) ont obtenu l’asile, soit 36 % des décisions prises cette année-là. Dans ces acceptations, le rôle de la Cour nationale du droit d’asile (qui examine en appel les décisions prises par l’OFPRA) n’est pas négligeable, puisqu’elle fait passer le taux d’accord de 27 à 36 %. Les délais d’attente se seraient réduits à 3 mois, alors qu’il y a 3 ans, ils dépassaient 7 mois. Mystère des chiffres, le rapport sénatorial rédigé dans le cadre du projet de loi de Finances 2018 s’alarme au contraire de la lenteur des procédures, donnant un délai sans doute plus complet (OFPRA + recours) de 449 jours en procédure normale et de 228 en procédure accélérée, ce qui est nettement moins flatteur. Enfin, 50 % des demandeurs viennent d’Afrique et parmi les premiers pays d’origine figurent l’Albanie et Haiti, ce qui démontre, mais on le sait, que l’asile est parfois demandé pour des raisons économiques. Quelques chiffres complémentaires fournis par l’OFPRA interpellent, sur les « missions » diligentées en Grèce, en Italie, en Turquie ou en Afrique pour « entendre » des réfugiés retenus dans des camps : 2389 personnes ont ainsi été « entendues » en Europe, 4227 en Turquie, quelques centaines au Tchad et au Niger. Depuis combien de temps ces personnes attendent-elles ? Quel est le nombre total de personnes dans ces camps de Turquie, de Grèce ou du Tchad ?Quel sera leur pays d’asile ?  Le bilan de l’OFPRA est muet sur ces franges, sans doute pourtant celles dont la détresse est la plus forte. De plus, peu de journaux évoquent, au-delà de ces données officielles, ceux qui ne peuvent pas atteindre l’OFPRA : 100 000 demandes, c’est vrai, malgré les refoulements aux frontières, malgré les interminables semaines à Paris à dormir devant les plateformes d’accueil pour seulement pouvoir déposer une demande de rendez-vous en préfecture, 100 000 demandes enfin malgré le renvoi des dublinés, c’est-à-dire de ceux qui ont laissé leurs empreintes dans le pays où ils sont arrivés en Europe mais sans y demander l’asile. L’OFPRA précise bien que les chiffres qu’il produit intègrent des demandeurs « qui ont pu auparavant être placés en procédure Dublin avant de pouvoir saisir l’office » mais pas les personnes qui « sont encore placées en procédure Dublin au 31 décembre 2017 ». Le chiffre qui manque, c’est bien celui-là. Le journal Le Monde rapporte que, selon une source du ministère de l’Intérieur, la moitié des demandeurs seraient des « dublinés ». Dans 9 cas sur 10, le renvoi s’avère impossible, parce que le juge interdit le renvoi pour crainte de mauvais traitements (pays de l’est de l’Europe), ou parce que le pays de premier accueil ne veut pas en entendre parler. Au bout d’un certain temps, allant de 6 à 18 mois, le demandeur dubliné se voit malgré tout accorder la possibilité de déposer une demande une France. Une interview du directeur de l’OFPRA le dit très bien : « Il faut arrêter de croire que faire attendre les gens, tenter de les dissuader, arrangerait quoi que ce soit. Cela ne fait qu’aggraver les choses pour tout le monde ». C’est un message, pas vraiment subliminal, pour l’Union européenne au premier chef, mais aussi pour le Ministre de l’Intérieur français.