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L’argent des syndicats: encore du flou

La Cour des comptes a établi fin 2017 un rapport sur le financement des partenaires sociaux. Le seul petit ennui est que le rapport n’est pas, à ce jour, publié, ce qui, pour une institution qui recommande toujours davantage de transparence, est ennuyeux, sauf à supposer qu’il est en « phase contradictoire » (c’est la phase pendant laquelle les organismes qui font l’objet d’un contrôle sont sollicités pour faire part de leurs observations et de leurs réponses) et de ce fait pas encore achevé. En tout état de cause, le journal Le Monde en a obtenu un exemplaire et s’en est fait l’écho.

Le financement des partenaires sociaux (et, en particulier, des organisations syndicales de salariés) est longtemps resté obscur : il était patent que les organisations ne pouvaient vivre avec les seules cotisations ou subventions de l’Etat. La loi les autorisait donc à définir un « prélèvement » pour se financer, notamment sur les fonds de formation professionnelle qu’ils géraient, disposition pleinement utilisée mais dans l’opacité, avec création de moult caisses noires pour constituer des réserves. Les fonds de la formation professionnelle atteignant environ 30 Mds et leur efficacité étant régulièrement mise en cause, certains articles ont accusé les organisations syndicales de détourner l’argent…ce qui était sans doute une formulation excessive mais compréhensible compte tenu de pratiques obscures. Est arrivé par là-dessus, en 2007, le scandale de l’UIMM, où le représentant de cette fédération patronale a reconnu avoir distribué de l’argent aux diverses organisations de salariés « pour fluidifier le dialogue social ». Le contexte d’alors poussait à revaloriser la place du syndicalisme (c’était l’époque, en 2008, de la réforme de la représentativité, qui fonde cette reconnaissance sur les suffrages obtenus) et à mettre dans son financement davantage de transparence. Première étape, la loi du 20 août 2008 a obligé syndicats, fédérations et unions à établir et à publier leurs comptes à partir d’un certain niveau de ressources et à disposer d’un commissaire aux comptes. Seconde étape, la loi du 5 mars 2014 portant sur la formation professionnelle continue : pour éviter que des financements soient prélevés sur les fonds destinés aux actions de formation, la loi prévoit une cotisation spécifique des entreprises et crée un fonds de mutualisation, alimenté également par des subventions de l’Etat, qui verse l’argent et vérifie son utilisation à des fins d’intérêt général (formation des syndicalistes et indemnisation des travaux effectués dans le cadre paritaire). La loi prévoyait que d’autres instances paritaires (UNEDIC et régimes complémentaires de retraite), également gérés par les partenaires sociaux, puissent faire de même. C’est cette nouvelle organisation de distribution des fonds dont la Cour fait le bilan fin 2017. Il ressort d’abord du rapport que le nouveau dispositif a fortement augmenté le financement versé (il semble que cette augmentation ait été une condition de l’acceptation d’une plus grande transparence). La Cour souhaiterait un contrôle plus rigoureux sur l’utilisation des 123 millions versés, que contrôle (avec discrétion) le commissaire aux comptes de l’organisme bénéficiaire et qui doit faire l’objet d’un rapport annuel au fonds de mutualisation. Surtout, elle note que la loi n’a pas tari le recours à des financements peu clairs par d’autres instances paritaires ou par les conventions de branche. La Cour souhaite une transparence totale : elle a raison. La résistance des institutions à des pratiques de justification des fonds reçus accroît continûment la méfiance des citoyens, prompts à voir détournements et magouilles là où il n’y a, la plupart du temps, que des frais de fonctionnement ordinaires (mettons à part, par gentillesse, la réfection malheureuse du bureau et de l’appartement du secrétaire général de la CGT en 2016).