La discussion de la loi de programmation militaire a débuté au Parlement. Le projet pour 2019-2025 est ambitieux et engage lourdement les finances de l’Etat : en 2025, le budget de la Défense, 34,2 Mds en 2018, devrait passer à 50 Mds, soit 2 % du PIB, du moins si la clause de revoyure prévue par la loi en 2021 ne modifie pas cette trajectoire, dès lors qu’il serait constaté que les finances publiques ne peuvent absorber un tel effort. 295 Mds seront ainsi consacrés à l’effort de défense en 7 ans. Les effectifs seront augmentés de 6.000 postes d’ici 2025 (3.000 d’ici 2023), notamment dans le renseignement et la cyber-défense. Surtout, les dépenses d’équipement vont augmenter de 34%. La loi de programmation tire ainsi le bilan de l’insuffisance des crédits accordés depuis environ 20 ans, avec un écart de plus en plus évident entre les moyens accordés et l’intensification des engagements sur le terrain. L’effort est impressionnant et révèle que l’armée sera une des priorités du quinquennat. Jusqu’à présent, les lois de programmation militaire n’ont guère été respectées, même s’il est vrai qu’en 2015, à la suite des attentats, un effort budgétaire imprévu a été fait en faveur des militaires, malgré tout insuffisant.
Le dossier de présentation de la loi de programmation en énumère les axes essentiels : d’abord une meilleure attention portée à la formation, au petit équipement et au « quotidien du soldat » pour éviter le sentiment que les forces humaines sont négligées au bénéfice du seul matériel. Ensuite, un effort de renouvellement des matériels, blindés, sous-marins, frégates, avions ravitailleurs, drones, avions de chasse, en augmentant leur nombre et en faisant appel à des matériels plus modernes. Le renouvellement des moyens de dissuasion nucléaire n’est pas oublié. Troisième axe, les investissements dans certains domaines spécifiques, renseignement, défense aérienne, drones, cybercombattants, pour améliorer l’autonomie et la capacité des armées. Enfin, le quatrième axe porte sur l’innovation et la préparation des programmes d’armement futurs. Le dossier donne le tournis tant les milliards tombent et tant le besoin paraît pressant de tout remettre à neuf. Il faut manifestement pouvoir, comme le demandait la Revue stratégique publiée à l’automne pour préparer cette loi de programmation, répondre sur tous les tableaux (dissuasion, protection, connaissance, anticipation, prévention et intervention), assumer le spectre complet des opérations envisageables (« La France sera là où il faut qu’elle soit »), sans abandonner le perfectionnement technologique. Ces choix, dictés pour beaucoup par la multiplicité des interventions en cours, laissent un peu rêveur. Comment juger de leur stricte nécessité sans être un expert, sachant que les experts sont toujours partisans d’un renforcement des armées ? Les Français sont-ils conscients de l’impact assez limité de cet effort colossal sur leur sécurité ? Le choix est fait, semble-t-il, de continuer sur notre lancée et d’envisager à nouveau des interventions nombreuses, au nom de l’instabilité du monde, avec plus d’avions, plus de chars, plus de sous-marins, plus d’avions, plus de drones plus d’hommes. Est-ce un choix raisonnable ? La réponse n’est vraiment pas facile à trouver.