Etiquetage nutritionnel, suite et pas fin

Intégration des étrangers: un projet alibi mais un bon projet
18 mars 2018
Enfants pauvres ou familles pauvres?
25 mars 2018

Etiquetage nutritionnel, suite et pas fin

Le logo Nutriscore, qui mesure la qualité nutritionnelle des produits par un code couleur et 5 lettres de A à E, commence à apparaître dans les magasins d’alimentation, à la suite de l’arrêté du 31 octobre 2017 qui en « recommande » l’utilisation. Ce logo est simple, clair et recueille tous les suffrages des organismes de recherche compétents dans le domaine de la santé et de l’alimentation, les responsables du Programme national nutrition santé, l’Inserm, l’INRA, hormis cependant ceux de l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, qui ne voit pas l’intérêt d’informer la population de la qualité des aliments produits par l’industrie agroalimentaire.

La nouvelle appelle quelques commentaires. D’abord sur la longueur interminable des processus de décision dans des domaines où la santé publique est en jeu, où personne de sensé ne met en cause l’intérêt de la décision mais qui se heurtent à des lobbies que l’on écoute on ne sait trop pourquoi. Ainsi, l’histoire a commencé en 2013, dans le cadre de la préparation de la stratégie de santé, avec une commande à un professeur nutritionniste de renom, Serge Hercberg. Celui-ci devait « donner un nouvel élan » au très terne Programme national nutrition santé (celui qui recommande de bouger et de ne manger ni trop gras, ni trop salé, ni trop sucré) ainsi qu’à un plan Obésité de 2010-2013 que tout le monde a oublié aujourd’hui. Le rapport Hercberg propose, outre d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments produits par l’industrie alimentaire, d’aider les consommateurs « à réduire la pression du marketing » et à choisir les aliments de meilleure qualité nutritionnelle. La ministre de l’époque inscrit l’objectif dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé. L’Inserm propose ensuite le Nutriscore mais les industriels trouvent ce système un peu simple (on comprend d’un coup d’œil que les céréales du petit déjeuner, les barres chocolatées et le Coca cola sont des poisons) et proposent un système plus compliqué, avec cinq informations côte-à-côte et plusieurs couleurs où il faut se gratter la tête pour synthétiser l’ensemble.  L’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, saisie parallèlement par le ministère d’une demande d’avis sur « la pertinence nutritionnelle » des logos en compétition « au regard des enjeux de santé publique », a répondu qu’ils n’en avaient pas, puisque, dit-elle doctement, on ne peut pas prouver l’influence d’un logo nutritionnel sur la diminution des cancers. La conclusion a été moquée par plusieurs instances médicales de haut niveau (la Société française de santé publique et le Haut conseil de santé publique) qui la jugent, à juste titre, absurde (les conflits d’intérêts font dire bien des bêtises…). Mais au final, le Nutriscore est tellement meilleur que les autres qu’il l’emporte…Enfin pas tout à fait, puisqu’il n’est pas obligatoire : il n’est que « recommandé ». Tout un groupe d’industriels (notamment ceux qui fabriquent des barres chocolatées, des céréales, des biscuits, des bonbons et des boissons pleines de produits bizarres) se refuse à l’appliquer et propose, « dans l’intérêt du consommateur », l’autre méthode, plus confuse. On en est là. 5 ans pour décider et au final un système clair mais facultatif, alors que c’est probablement la nutrition qui est le facteur clef de la réduction des inégalités sociales de santé, objectif qui figure dans toutes les « Stratégies de santé » officielles.  Allons, courage, work in progress…