Projet de loi constitutionnel : quelques surprises

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Projet de loi constitutionnel : quelques surprises

Sur les trois textes portant sur la réforme des institutions, le projet de loi constitutionnel a été présenté lors du Conseil des ministres de cette semaine. Il comporte des dispositions attendues et sans cesse reportées : la suppression de la Cour de justice de la République, jugée par tous peu compatible avec une véritable répression des crimes et délits commis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions et qui s’est déshonorée les rares fois où elle a siégé ;  le nouveau rôle attribué au Conseil supérieur de la magistrature à l’égard des magistrats du parquet (avis conforme sur les nominations et rôle disciplinaire), censé affirmer l’indépendance du Parquet ;  le changement de la composition du Conseil  constitutionnel (plus d’anciens Présidents de la République). Certaines dispositions étaient également attendues mais depuis moins longtemps, telle celle transformant le CESE en Chambre de la participation citoyenne dotée de pouvoirs plus importants (quel intérêt ? Le Conseil d’Etat note que cela va ralentir l’adoption de certains projets…) ; celle inscrivant la Corse parmi les collectivités à statut particulier pour lesquelles la loi peut prévoir des adaptations (c’est déjà le cas pour les DOM-TOM) ; celle qui prévoit qu’une collectivité, si elle est habilitée par décret, peut fixer elle-même les règles qui lui sont applicables, au moins dans certains domaines et sous réserve d’une ratification par la loi dans les matières législatives ; celle enfin qui donne aux collectivités un « droit à différenciation » si la loi le prévoit, soit pour exercer d’autres compétences que celles relevant de sa nature (les métropoles vont pouvoir demander à exercer les compétences des départements), soit pour déroger à certaines règles régissant leurs compétences.  D’autres dispositions sont plus nouvelles : incompatibilité entre une fonction ministérielle et l’exercice de fonctions exécutives dans une collectivité territoriale, un groupement de collectivités ou une personne morale qui en dépend ou bien réduction à 40 du nombre de parlementaires nécessaire pour saisir le Conseil constitutionnel. La surprise vient plutôt des articles (les plus nombreux, 7 sur 18), qui portent sur le fonctionnement du Parlement et visent « une démocratie plus efficace » :  possibilité d’opposer formellement l’irrecevabilité à certains amendements qui, de fait, sont irrecevables ou de procéder à l’examen de certains textes en commission avec simple ratification en séance ; réduction du nombre de discussions sur un texte ; resserrement des délais de vote des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ; condition de l’examen prioritaire des textes ; efforts de valorisation de la mission d’évaluation du Parlement : autant de dispositions qui relèvent de d’organisation toute simple des travaux d’une Assemblée. Il n’y a aucun doute (l’avis du Conseil d’Etat en témoigne) que ces dispositions (au moins presque toutes) relèvent de la Constitution. Pour un point (le principe selon lequel la Conférence des présidents arrête le programme d’évaluation et de contrôle des Assemblées), le Conseil d’Etat doute de la nécessité d’une inscription dans la Constitution.

 Pour autant, même si la nature constitutionnelle des dispositifs est claire, l’on regrette que les parlementaires n’aient pas adopté depuis longtemps un Code de bons usages pour éviter ces lenteurs, inefficacités et détournements de procédures.  De plus, sur certaines dispositions (relatives à l’audition des membres du gouvernement sur l’exécution des lois de finances par exemple), le Conseil d’Etat reconnaît que l’efficacité dépendra de la volonté des parlementaires autant que des textes…