Comprendre l’algorithme sous l’algorithme

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Comprendre l’algorithme sous l’algorithme

Parcoursup, logiciel qui permet l’inscription des lycéens à l’université, est devenu le compteur de l’anxiété lycéenne et parentale : il fonctionne comme prévu mais, sur le moral des lycéens et de leurs familles, les effets de cet algorithme « à affectation différée » (on propose une affectation à un postulant qui l’accepte ou indique qu’il veut garder l’option en attendant une autre proposition) ont sans doute été sous-estimés. Deux critiques fortes sont adressées au système : la première est d’étendre les affectations sur une période trop longue, essentiellement parce que les vœux ne sont pas hiérarchisés. Un tel classement aurait pu permettre de considérer que toute personne qui obtient un de ses vœux prioritaires abandonne automatiquement les suivants qui se libèrent de ce fait.  Apparemment, ce sont les usagers consultés en amont de la confection de l’algorithme qui ont choisi de ne pas hiérarchiser les vœux (intellectuellement, la hiérarchisation est sans doute contestable, elle rigidifie des choix en tout cas), ce qui inévitablement allonge les délais. Surtout, on se rend compte de plus en plus de ce qui était pourtant depuis longtemps une évidence : Parcoursup ne fait rien, il envoie des listes, il veille à ce que les réponses comportent un pourcentage donné de boursiers, il reçoit des réponses aux réponses, il en tient compte mais il ne décide rien. Ce sont les établissements qui décident. Et leurs méthodes sont diverses, certaines surprenantes, toutes, inévitablement, sujettes à caution. La plupart des établissements ont renoncé à lire des lettres de motivation jugées stéréotypées et se basent donc sur les notes, l’appréciation du conseil de classe et le lycée d’origine. Le tri se fait alors plus aisément. Mais les critères restent bien arbitraires parfois : ainsi le Parisien, dans un article du 9 mai dernier, raconte la sélection à Paris V Descartes, établissement prisé s’il en est.   L’établissement pondère les notes par le taux de réussite au bac dans le lycée d’origine, petit bonus aux lycées d’élite, qui vient de la conviction que les notes des lycées de banlieue sont gonflées et ne reflètent pas la vraie valeur des candidats. Cela sert surtout à prendre, à notes égales, Janson-de-Sailly avant Clichy-sous-Bois. Dans la filière Eco gestion, le même établissement a concocté un algorithme surprenant : il a comparé les notes obtenues aux partiels par ses étudiants de première année avec leurs notes en 1ère et obtenu un outil prédictif de réussite dont le caractère scientifique est au minimum sujet à interrogation…Ailleurs, en sciences de l’Education, le Président a éliminé tous ceux qui avaient eu des notes inférieures ou égales à 7 dans certaines matières. Il n’y a guère que la filière Staps à avoir adopté partout en France des critères publics. Au final, on finit par se demander si un logiciel d’affectation ne serait pas plus juste dès lors que les établissements adoptent des stratégies de sélection différentes et plus ou moins plaidables. La question a des prolongements juridiques : comme le rappelle une avocate de l’association Droit des lycéens, d’une part toute décision administrative doit être motivée, d’autre part, selon le règlement européen sur la gestion des données personnelles RGPD, toute décision prise à partir d’un traitement informatisé doit être transparente sur les critères. Le ministère nie que les décisions des établissements soient prises sur la base d’algorithmes et soutient qu’il s’agit là d’une décision de commission d’admission, comme telle soumise au secret des délibérations et justifiée par une appréciation humaine. Pour autant, Paris V aura du mal à expliquer que ce n’est pas sur la base d’un traitement informatisé qu’il a rejeté toutes les demandes des candidats qui avaient 7 en français. Il faudra aussi qu’il explique que son algorithme lui a permis de donner un bonus aux candidats venant des lycées à 100 % de réussite au bac…