Energies renouvelables : crédibiliser l’ambition européenne

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Energies renouvelables : crédibiliser l’ambition européenne

 Par directive datant de décembre 2008, l’Union a fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effets de serre (-20 %) et de développement des énergies renouvelables (ENR) à horizon 2020. Les émissions devaient baisser de 20 % et les ENR passer à 20 % de la consommation d’énergie). L’objectif a été renforcé en 2014 pour 2030 et, s’agissant des ENR, le pourcentage à atteindre est devenu 27 % à cet horizon. La Commission a proposé en 2016 d’augmenter la cible : le Parlement a proposé 35 % mais surtout, il voulait que l’objectif devienne contraignant pour les Etats membres. Le compromis négocié qui va prochainement être soumis au Parlement et au Conseil porte sur une part à 32 % avec des objectifs nationaux indicatifs. Et chacun de se féliciter de son ambition et sa cohérence avec les objectifs de la COP 21.

Augmenter l’ambition, c’est d’abord être capable de faire le point sur le degré probable d’atteinte des objectifs 2020.  Il ressort des différents documents produits par la Commission que l’objectif, décliné en objectifs nationaux, ne sera pas atteint partout. Il est vrai que les derniers chiffres datent de 2015 : la Suède, la Croatie, la Roumanie et quelques autres ont atteint ou déjà dépassé leurs objectifs (11 Etats sont dans ce cas). D’autres pays sont en retard, plus ou moins lourdement, les plus loin de l’objectif étant la France (en 2015, – 7,8 points), les Pays-Bas (-8,2 points), le Royaume-Uni et l’Irlande (tous deux à -6,8 points). En France, où la cible, rappelée dans la loi sur la transition énergétique de 2015, est de 23 % en 2020, les experts évaluent à 17 % la réalisation probable.

Pourquoi alors augmenter des objectifs lointains quand il est probable que les objectifs proches ne seront pas atteints partout ? C’est la technique européenne : quand cela ne marche pas bien, on durcit l’objectif à plus long terme et c’est censé être mobilisateur. Mais à quel prix ? A quelles conditions ? L’IFRI (Institut français des relations internationales) a publié le 12 avril dernier une note sur le sujet : il en ressort plusieurs mises en garde : d’une part, si la part des ENR augmente, le taux d’augmentation des ENR d’origine électrique (éoliennes et photovoltaïque) augmentera encore davantage. Cela implique un renforcement des réseaux et des outils permettant de pallier l’intermittence du vent et du soleil. Or, les coûts correspondants sont rarement pris en compte dans les études produites. Le paradoxe est que l’éolien risque alors d’être plus cher que les vieilles centrales à énergie conventionnelle, paradoxe pour le moins embêtant.  De plus, un grand nombre de contraintes doivent être prises en compte, sociétales, administratives, environnementales…Ainsi, le développement des ENR impose le renoncement à des capacités électriques conventionnelles (à 30 % d’ENR en 2030, réduction de 27 % du parc conventionnel de 2015), le risque existe d’une hausse du coût d l’énergie, avec des tensions sur le budget de ménages modestes…Bref comme le dit la note avec intelligence, la crédibilité de la politique environnementale de l’Union ne doit pas s’apprécier sur le seul chiffre d’une augmentation de 32 % de la part des ENR dans la consommation. Il doit s’apprécier au cadre tracé pour l’évolution réaliste des trajectoires nationales et à la cohérence de l’ensemble de sa propre politique énergétique. Ce n’est donc pas gagné.