8 juillet 2018
En mars dernier, s’ouvrait, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), le débat national sur la future PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) qui doit être arrêtée à la fin de l’année. La PPE est un outil de pilotage prévu par la loi de transition énergétique de 2015 pour fixer, dans les années à venir, la répartition du mix énergétique français. Cette consultation publique vient de s’achever par une journée de présentation des débats et des premières conclusions, le 29 juin dernier, le rapport final de la CNDP devant être remis en septembre. Cet exercice de démocratie s’avère être une réussite, plutôt surprenante compte tenu du contexte. Sur Internet, le nombre des réponses à un questionnaire il est vrai simplet[1] a atteint 11 000 réponses, 8000 personnes ont participé à une petite centaine de réunions publiques et 400 citoyens tirés au sort ont été réunis une journée, sur la base d’une documentation spécifique, pour échanger et répondre également au questionnaire. 111 contributions (« cahiers d’acteurs ») ont été remises par des associations ou acteurs économiques. Il est loisible de considérer que le nombre de participants est inférieur au seuil (10 000) où l’on considère qu’un débat a mobilisé l’opinion, que les internautes n’ont pas été représentatifs de la société (une majorité d’hommes, de cadres, de personnes connaissant déjà la précédente PPE). Pour autant, sur un sujet très technique comme l’énergie, c’est un très bon résultat. Surtout, la synthèse des débats du 29 juin a mis en lumière quelques vérités solides que le gouvernement aura du mal à balayer lors de la prise de décision.
Un débat au départ mal engagé
L’on pouvait pourtant tout craindre au départ d’un débat public qui paraissait bancal, compliqué et mal préparé :
Des conclusions claires et intéressantes
Le Président de la commission particulière du débat public, J. Archimbaud, a résumé le 29 juin les principales conclusions qu’il tire des débats. Il a fait passer des messages forts et simples :
1° Peut-on discuter d’une PPE sans projet de PPE ? Oui, puisque, précisément, c’est ce qui s’est passé. Toutefois, s’agissant d’organiser un débat sur un programme et non sur un projet d’équipement, la culture du débat public s’est, en l’occurrence, montrée défaillante : le choix d’élaborer un dossier général et neutre n’était pas le bon. Pour autant, un projet de PPE serait apparu comme trop précis et ficelé d’avance. Il aurait fallu trouver une voie différente, avec une synthèse des enjeux et l’élaboration de scénarios regroupant diverses hypothèses, sans se focaliser sur l’électrique ;
2° La politique de l’énergie n’est pas lisible : les échéances sont trop multiples et les données manquent ou sont contestées, tant sur les coûts de production, les réseaux nécessaires, les emplois à attendre, les scénarios de consommation électrique future. Les outils de suivi de la politique énergétique ne paraissent pas fiables ; celle-ci est de plus souvent accusée de ne pas être cohérente, ainsi en matière de normes ou de fiscalité ;
3° La France est en retard par rapport à ses propres objectifs et la demande des participants au débat public est clairement d’accélérer le mouvement. Parallèlement, ces participants s’inquiètent des causes concrètes des retards : faible acceptabilité des projets, insuffisance de l’ingénierie publique, pressions des lobbies, problèmes de formation, dispersion des acteurs, faiblesse de l’expertise des banques et financeurs. Les débats sont vifs notamment sur les questions d’acceptabilité (où il importe de freiner les recours mais sans altérer les droits de la population) et sur la question de l’équité sociale, notamment en ce qui concerne l’évolution de la fiscalité écologique ; la demande est de prêter une grande attention à ces difficultés ;
4° Faut-il changer de cap et éventuellement suivre les opérateurs traditionnels (en clair EDF) qui plaident le développement des énergies renouvelables avant d’envisager la réduction du nucléaire ? La réponse est clairement négative. Pour les participants au débat, la loi de 2015 n’est pas, dans ses échéances, taboue. Mais le choix est d’en garder l’esprit et de ne pas remettre en cause, à chaque échéance, les choix structurants opérés ; selon eux, il faut réduire le nucléaire tout en développant les énergies renouvelables. Mais il faut le faire à une échéance raisonnable et en tenant compte des questions sociales et d’emploi, ; la volonté est ainsi de s’inscrire dans le long terme et dans des choix stables ;
5° La diversification des sources énergétiques est le choix préférentiel, avec un refus du « tout ceci » ou du « tout cela ». Le mix doit être équilibré, de même que les solutions proposées de mobilité (voitures électriques) ne doivent pas être des solutions uniques.
Au final, le débat public a donné tout ce qu’il pouvait donner en l’absence d’un dossier éclairant et pertinent. Il a permis des échanges et des engagements. Il produit aussi des conclusions ouvertes, apaisées, qui paraissent de bon sens. il fournit toutes les réponses nécessaires à une PPE nouvelle. La volonté d’accélérer ne doit pas empêcher de prêter attention aux conditions de réussite. En même temps, la demande faite au gouvernement est de ne pas adopter une attitude dilatoire et, cela a été dit à plusieurs reprises, de faire des choix clairs, qui sortent enfin de l’ambiguïté. La demande est aussi une demande de lisibilité et de cohérence. Certes, maintenant, après le débat public, va se rouvrir l’heure des lobbies, l’heure des décisions incertaines et insuffisamment étayées. Mais au moins, l’exercice de consultation de la population aura été, de manière inespérée, de qualité.
Pergama.
[1] Les questions posées portaient sur le retard de la France dans les objectifs de transition énergétique, sur la caractère équitable des efforts demandés, sur la crédibilité des objectifs poursuivis en ce qui concerne le développement des véhicules électriques, sur les modes de chauffage à privilégier, sur la nécessité d’accélérer le développement des diverses énergies renouvelables, sur l’échéance à laquelle atteindre le pourcentage de 50 % de nucléaire dans la production d’ électricité, sur le jugement porté sur la cohérence et le caractère accessible de la politique de l’énergie, sur les effets positifs de la concurrence en ce domaine et sur la place que les collectivités devaient prendre dans la conduite de la politique énergétique.