Fonction publique : coup de canif au statut

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Fonction publique : coup de canif au statut

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comporte, par amendement, deux dispositions significatives sur la fonction publique. La première aura sans doute peu d’importance pratique : elle vise à faciliter le départ en disponibilité des fonctionnaires dans le secteur privé, en leur permettant de garder, pendant 5 ans, leurs droits à avancement, alors qu’auparavant, ils les perdaient. Le temps de la disponibilité sera désormais assimilé à du temps passé dans le corps, c’est-à-dire dans la fonction publique. De plus, au retour de sa disponibilité, le fonctionnaire pourra accéder, si les fonctions exercées sont de niveau comparable, à certains grades de fin de carrière dont l’accès était jusqu’alors réservé aux fonctionnaires qui avaient occupé certains emplois ou assuré certaines fonctions à responsabilités dans le secteur public. L’on comprend bien le message d’incitation à la mobilité. Cependant, les choix de départ en disponibilité sont souvent des choix de réorientation et il est un peu douteux que le fonctionnaire qui part dans le privé se préoccupe de ses conditions de carrière au retour. Reste que la disposition, en assimilant temps de travail public et privé, fait exploser la logique de la fonction publique, qui, qu’on le regrette ou non, repose sur l’occupation d’emplois publics. L’autre disposition insérée dans le projet de loi par amendement aura sans doute davantage de conséquences : les postes de direction des trois fonctions publiques (ceux qui sont occupés par les fonctionnaires par détachement dans un cadre d’emploi fonctionnel) seront accessibles sans condition au personnel contractuel. Ces emplois l’étaient déjà, comme tous les emplois de catégorie A de la fonction publique, mais à la condition d’être difficiles à pourvoir ou de nécessiter des compétences spécifiques. Désormais, les conditions sont supprimées. La mesure semble anodine :  les nominations de contractuels à de tels postes sont d’ores et déjà pratiquées et, même lorsqu’elles ne sont pas parfaitement conformes au cadre légal, ne sont pas contestées, surtout dans la fonction publique territoriale. Cependant, la disposition banalise la pratique et considère que, fonctionnaire et contractuel, c’est pareil. Juridiquement, elle modifie radicalement la logique du statut, selon lequel « les emplois publics sont réservés aux fonctionnaires ». En opportunité, le jugement est plus ambivalent : l’arrivée de contractuels de haut niveau peut être une bonne chose pour une fonction publique qui est très fermée sur elle-même. Pour autant, il faut appeler un chat un chat : si cette pratique se répand (ce n’est pas si sûr), cela voudra dire que le droit statutaire prend l’eau. C’est un choix qui se plaide (l’on sent bien que c’est celui du pouvoir actuel) mais il sera difficile, alors, de continuer à gérer la fonction publique de manière traditionnelle, de poursuivre le recrutement par concours et de garder identique la notion de carrière. Il faudra bien alors aller plus loin et cesser de dire que l’on ne touche pas au statut.