La solidarité n’a jamais été un délit

Chlordécone : prise de conscience tardive
5 août 2018
Sortir des minima d’assistance : un quart des bénéficiaires chaque année
5 août 2018

La solidarité n’a jamais été un délit

La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a été définitivement adoptée le 1er août 2018. Soumise au Conseil constitutionnel, elle mettra un peu plus de temps à être promulguée. Elle comporte un article (n°39 apparemment dans le texte non encore définitif) qui modifie l’article L622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : la version antérieure du texte indiquait que l’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France ne donnait pas lieu à poursuites pénales «  lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». La nouvelle version, qui tient compte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, indique que l’aide à la circulation et au séjour irrégulier ne donnent pas lieu à poursuite pénale lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire.

La vérité est que l’on peine à voir la différence entre les deux versions, sauf sur le fait que l’aide apportée peut porter désormais sur la circulation aussi bien que sur le séjour. De fait, le Conseil constitutionnel n’a jugé contraire à la constitution que cette partie du texte, apparue comme trop restrictive. Pour le reste, il a jugé l’ancienne version de l’article conforme à la Constitution, avec une réserve d’interprétation selon laquelle ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe de fraternité, être interprétées autrement que comme s’appliquant non seulement aux actions énumérées mais aussi à tout autre acte d’aide apportée dans un but humanitaire. Les pouvoirs publics ont préféré toutefois modifier le texte de l’article pour y faire figurer explicitement cette interprétation. La seule inquiétude porte sur la précision de la rédaction du nouvel article « dans un but exclusivement humanitaire » qui peut amener les juges à chipoter. Cependant, la décision du Conseil est claire et porte deux messages : d’une part, pour la première fois, que la fraternité devient un principe à valeur constitutionnelle, ce qui est plutôt beau ; d’autre part, que, si les juges avaient été intelligents, ils auraient dû appliquer l’exemption pénale prévue par l’ancien article dès lors que l’acte était manifestement de nature humanitaire et que le Code disait déjà clairement les choses. Mais cela, on le savait déjà…