Etats-Unis : misère et surmortalité

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Etats-Unis : misère et surmortalité

Plusieurs journaux, dont le Monde (édition du 17 août 2018) se font l’écho de deux études publiées le 15 août par le BMJ (British Medical Journal) sur la baisse de l’espérance de vie, en particulier aux Etats-Unis.

L’une des deux études semble, au départ, conjoncturelle, puisqu’elle étudie le pic de mortalité qui a affecté une douzaine de pays de l’OCDE (dont la France) en 2015 : la cause en a alors été imputée à la conjonction d’une épidémie de grippe et de mauvaises conditions climatiques qui ont affecté essentiellement des personnes âgées, avec un phénomène d’anticipation de décès qui s’était déjà produit d’autres années. Au demeurant, en France comme dans la plupart des pays concernés, l’année 2016 a marqué un rebond de l’espérance de vie, témoignant ainsi que le phénomène pouvait être interprété comme accidentel. L’étude (sans vraie démonstration toutefois) soulève le risque de problèmes plus graves, témoignant de l’incapacité des systèmes de santé à protéger les populations les plus fragiles : serait ainsi annoncée, après une période de formidable augmentation de l’espérance de vie, un ralentissement voire une stagnation de cet indicateur. La démonstration reste sujette à caution : pour être convaincante, il faudrait que l’épisode se répète et devienne ainsi significatif. De manière plus étayée, l’étude met en lumière le cas particulier des Etats-Unis, où la perte d’espérance de vie s’est concentrée sur des populations d’âge bien moins avancé, avant 65 ans en tout cas : surtout, l’on n’a constaté dans ce pays aucun rebond de l’espérance de vie, ni en 2016 ni en 2017.

L’autre étude porte alors sur l’augmentation de la mortalité aux Etats-Unis, dans cette tranche d’âge, sur une période de 17 ans. Cette augmentation a été suffisamment forte pour que l’espérance de vie aux Etats-Unis stagne puis, à partir de 2015, diminue. La première cause de l’augmentation de la mortalité correspond à un scandale sanitaire déjà connu : celui de la surconsommation de médicaments opioïdes qui, depuis 1990, ont rendu dépendants des millions d’américains, les exposant à des overdoses et aux drogues. Mais l’étude s’intéresse aussi aux autres causes de cette surmortalité : augmentation massive des hypertensions, cancers, hépatites, troubles mentaux…au total d’une douzaine d’affections qui frappent des personnes dans la force de l’âge. Le soupçon des experts est que les causes sociales jouent un rôle fondamental dans cette surmortalité :  montée de l’obésité, déficiences de l’éducation, augmentation des inégalités et stress en seraient les vraies causes. De fait, les inégalités se sont accrues de manière spécifique aux Etats-Unis. Si l’on considère que l’état de santé des personnes et l’espérance de vie sont des indicateurs de l’état d’une société, il serait temps que les Etats-Unis définissent une politique en ce domaine, qui devrait certes s’intéresser à la santé publique et à la bonne prise en charge des soins mais aussi, si l’on comprend bien le message de l’étude, aux fractures sociales et aux inégalités. Un message dans le désert…