Parcoursup, un algorithme discriminatoire?

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Parcoursup, un algorithme discriminatoire?

Dans le courant du mois d’août, le Défenseur des droits s’est saisi de la question des éventuelles discriminations dont auraient été victimes certains lycéens lors de la sélection opérée par les universités ou les classes de préparation aux grandes écoles dans le cadre de l’application Parcoursup. Il a agi sur signalement de certains élus, notamment le Président du département de Seine-Saint-Denis, qui soupçonne le classement opéré par certains établissements d’avoir introduit des critères de sélection défavorisant les demandeurs originaires de lycées situés dans des zones sensibles. La question est double : en premier lieu, les établissements, qui ont élaboré des algorithmes de classement pour les aider à examiner les dossiers, ont-ils effectivement affecté d’un coefficient particulier les élèves issus de certaines zones géographiques ?  Les textes leur permettent, lorsque les demandes dépassent les capacités d’accueil d’une formation, de sélectionner les inscriptions sur le fondement de la cohérence entre les « acquis de la formation du candidat et ses compétences » et les exigences de la formation ; ils se basent alors sur les notes, l’appréciation du conseil de classe et, c’est sans doute cela le hic, le lycée d’origine. Or, il est certain que de nombreux établissements ont introduit, dans les algorithmes de classement en amont de l’examen individuel des dossiers, des pondérations en fonction du lycée. Ces établissements plaident qu’un 19 à Clichy-Sous-Bois ne vaut pas un 19 à Louis Le grand et, par exemple, ont corrigé les notes par la prise en compte des réussites au bac du lycée, donc par son niveau, critère apparemment neutre mais en réalité sélectif socialement et géographiquement. Est-on alors dans le réalisme ou le préjugé ? Est-il légalement et éthiquement correct d’appliquer à tous les élèves originaires d’un même lycée la même pondération à une étape où l’examen individuel du dossier n’a pas encore commencé ? Il existe un doute, pour le moins. La seconde question renvoie à la transparence des critères et méthodes de sélection : les établissements et le ministère plaident que les choix faits au niveau de l’établissement relèvent, comme les choix d’un jury, du secret des délibérations. Quand bien même ce serait exact, cela ne signifie nullement que les demandeurs n’aient pas de possibilité de recours contre la décision prise à leur endroit s’ils la jugent illégale. Surtout le secret des délibérations n’empêche pas la transparence sur certaines méthodes de pré-tri. L’article 4 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a introduit dans le Code des relations entre le public et l’administration une disposition selon laquelle « une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande ». Dès avant le vote de ce texte, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) avait d’ailleurs une conception large du droit de communication : selon des décisions récentes, les codes sources des logiciels traitant les déclarations fiscales des administrés ou les règles de fonctionnement des algorithmes utilisés pour prendre des décisions individuelles font partie des documents administratifs communicables aux usagers. Si des algorithmes ont été utilisés par les établissements d’enseignement supérieur pour prendre des décisions individuelles faisant grief, ils sont communicables. Il faudra ensuite que le juge se prononce sur la légalité des critères utilisés, y compris au regard du droit relatif à la lutte contre les discriminations. Rappelons que la loi du 27 mai 2008 portant transposition du droit communautaire, qui a étendu le champ d’interdiction des discriminations à la protection sociale, à la santé et à l’éducation, interdit la discrimination indirecte, lorsqu’une disposition ou une pratique, bien que neutre en apparence, est susceptible d’entraîner un désavantage pour une catégorie de personnes donnée. Dans le contexte Parcoursup, la question, pour le moins, se pose.