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L’annonce faite aux ambassadeurs

Chaque année le Président de la République expose, devant une « Conférence des ambassadeurs », les grandes orientations de la politique étrangère de la France. Ce fut le cas, le 27 août dernier. La synthèse d’un discours fleuve de 30 pages est malaisée, d’autant que les poncifs de la diplomatie française (La France est grande, ce n’est pas une puissance moyenne, elle est forte de ses traditions universalistes, sa voix porte) allongent le discours. Sont toutefois frappants la lucidité des constats et un fort volontarisme, sans doute sincère, mais pas toujours crédible.

Lucidité d’abord sur la crise du multilatéralisme dans lequel l’action de la France a toujours souhaité s’inscrire, due essentiellement aux Etats-Unis qui jettent le doute sur leur attachement à l’Otan, bouleversent les équilibres avec une politique commerciale agressive unilatérale et se retirent des accords tendant à protéger les biens communs (accord de Paris) ou la paix (accord sur le nucléaire iranien). Lucidité sur les défaillances multiples de la gouvernance mondiale qui altèrent l’efficacité des instances internationales, comme sur la situation de l’Europe, jugée affadie et affaiblie depuis plusieurs décennies : la cause de sa faiblesse (absence de solidarité entre les pays, montée des populismes) est clairement énoncée, même s’il est un peu agaçant d’entendre la France expliquer l’arrivée de populistes xénophobes en Italie par un refus de solidarité, elle qui, sans état d’âme, a refusé de prendre sa part, en 2015-2016, à la relocalisation de migrants arrivés en Grèce ou en Italie et elle qui, il y a peu, renvoyait en Italie, sans même examiner leur situation, des migrants qui avaient traversé les Alpes ou arrivaient à Menton. Sur l’Europe, le Président est en tout cas sans illusion sur la condescendance des Etats-Unis et de la Chine à son endroit, du fait de son manque « d’autonomie stratégique ». Il reste également lucide sur la nécessité de travailler avec des pays hostiles, Russie ou Turquie, pour trouver une solution politique en Syrie ces prochains mois, dont le Président affirme qu’elle ne pourra être jugée satisfaisante si Bachar El Assad reste au pouvoir.

Volontarisme surtout : il faut faire au mieux dans le Sahel, la seule voie possible étant celle d’une meilleure implication du « G5 » des Etats de la zone dans la lutte contre l’islamisme et la misère, comme il faut tenter de stabiliser la Libye. En Europe, il faut construire une souveraineté et l’autonomie stratégique qui manque, réviser les traités, même si l’Allemagne n’y est pas favorable, pour créer « plusieurs cercles » (le Président se fait quelques illusions sur le succès de sa première démarche en ce sens, qualifiée d’historique alors que l’Allemagne ne s’est en réalité engagée sur rien). Il faut aussi renforcer les liens sur la sécurité, notamment en prévoyant en Europe une clause de défense mutuelle entre pays. Nombreux sont pourtant les partenaires européens qui jugent que le moment n’est pas aux grandes réformes tant l’édifice apparaît fragile…Le Président va plus loin : il faut réinventer les méthodes de protection des biens communs de l’humanité et le cap de la France est de « refonder l’ordre mondial », en demandant par exemple la réforme des instances de régulation du commerce mondial et le G7. De fait, les solutions proposées sont si ambitieuses et si générales qu’elles perdent de leur force tant elles sont grandioses. A la fin de son discours, le Président invoque l’écrivain russe Soljenitsyne, qui, dans une conférence à Paris, regrettait « le déclin du courage » des pays occidentaux, jugés faibles et fragiles. En diplomatie, le courage est nécessaire mais le réalisme aussi.