La ruée migratoire vers l’Europe n’aura pas lieu

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La ruée migratoire vers l’Europe n’aura pas lieu

Nombreux sont les politiques (voire les ouvrages) qui prédisent une intensification des flux d’immigration africaine vers l’Europe. Ainsi, l’universitaire américain Stephen Smith, spécialiste de l’Afrique, a-t-il publié en 2018 un livre[1] qui prédit qu’une Europe en déclin démographique va devoir se résigner à accueillir le surplus d’une Afrique trop jeune et en plein développement : l’auteur, au demeurant, met l’accent sur une vérité incontestable, selon laquelle c’est le développement, et non l’affreuse misère, qui génère les migrations. Ce ne sont jamais, de fait, les plus pauvres qui émigrent mais des catégories qui, déjà munis d’un niveau scolaire minimum (les études démographiques montrent que le niveau d’éducation des migrants est toujours supérieur au niveau moyen de la population de leur pays d’origine) ressentent une aspiration à un mieux-vivre et sont capables de construire un projet. Face à ces perspectives de « submersion » africaine qui agitent les peurs (Stephen Smith prédit ainsi qu’en 2050, un quart de la population de l’Europe sera africaine), une récente note de l’Institut national d’études démographiques, rédigée par F. Héran[2], fournit une analyse bien différente. Certes, la population africaine va augmenter fortement, passant de 970 millions aujourd’hui à 2,2 millions en 2050 (22 % de la population mondiale). Toutefois, si l’on examine la matrice des migrations actuelles, l’on constate que l’Afrique subsaharienne émigre assez peu et que 70 % de cette émigration s’effectuent dans des pays de voisinage immédiat. Les projections démographiques à l’horizon 2050 annoncent une augmentation de cette émigration mais, si l’on fait l’hypothèse d’un taux de migration constant et du maintien des destinations actuelles, la proportion de la population française composée d’immigrés sub-sahariens (1,5 % aujourd’hui) ne passera qu’à 3 %. Reste que, comme le souligne Stephen Smith, le développement économique influe sur le taux de migration : selon Héran, même en tenant compte d’un saut économique fort, le pourcentage accueilli n’ira pas au-delà de 4 % de la population française, ce qui est loin des 25 % annoncés. La démonstration est convaincante : elle reconnaît toutefois le facteur d’incertitude que représente le développement économique, facteur qui incite à la migration mais dont l’impact n’est pas, aujourd’hui, modélisé. Resterait aussi, pour bien mesurer l’impact des migrations entrantes, à anticiper les migrations sortantes : or, nul ne sait quelle sera, à horizon 2050, l’ampleur des migrations des nationaux ou des migrants actuels hors de France, vers des pays jugés plus accueillants, plus développés ou simplement, un temps, utiles à l’acquisition d’une expérience professionnelle. Prédire les migrations et, de ce fait, la composition des populations d’ici 30 ans, c’est compliqué mais se faire peur n’est sans aucun doute pas raisonnable.

 

 

[1] Stephen Smith, La ruée vers l’Europe, Grasset 2018

[2]https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28441/558.population.societes.migration.subsaharienne.europe.fr.pdf