Arrêts maladie : on réfléchit avant de décider

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Arrêts maladie : on réfléchit avant de décider

Pendant l’été, le gouvernement a annoncé qu’il envisageait, dans la loi de financement de la sécurité sociale 2019, le transfert aux employeurs du financement des indemnités journalières (IJ) en maladie pour les arrêts de travail de moins de 8 jours. Il s’appuyait sur plusieurs constats : une « revue de dépenses » sur ce thème réalisée en 2017 par deux inspections générales (IGAS et IGF), qui soulignait l’évolution très forte de la dépense. Celle-ci, qui atteint 7,6 Mds aujourd’hui pour les seules IJ maladie, a fortement augmenté depuis 1998, avec, il est vrai, des périodes hautes (de 1998 à 2003 puis, de nouveau, depuis 2014) où elles ont augmenté de plus de 5 % annuellement, et des périodes  plus modérées (2005-2011). En outre, depuis 3 ans désormais, les baromètres de l’absentéisme dans le secteur privé témoignent d’une forte augmentation (+ 4,5 % en 2017, soit 17,2 jours d’absence par an et par salarié pour la maladie et le risque professionnel confondus). Le paradoxe est que la focalisation s’effectue sur les absences de courte durée, alors que ce sont les absences de longue durée qui sont de loin les plus coûteuses et que, selon les conclusions des baromètres, l’absentéisme des plus de 55 ans explique une grande part de l’augmentation : mais l’on a facilement tendance à assimiler absence ponctuelle et abus et cette assimilation pourrait justifier le transfert de l’indemnisation des courts arrêts aux employeurs, au motif qu’ils sont mieux à même de les contrôler.

Au final, après un chiffrage de l’IGAS en juillet évoquant un transfert aux employeurs, pour 4 jours d’indemnisation, de 900 millions et, pour un mois entier, de 3 à 4 Mds, une mission de réflexion a été mandatée pour étudier les arrêts de travail de manière plus large.

Elle pourra toujours s’inspirer des propositions plutôt répressives de la « revue de dépenses » mentionnée supra : mieux modéliser les causes (l’on sait que l’augmentation des arrêts maladie tient à l’évolution de la population salariée mais les effets du chômage sont davantage débattus, tout comme ceux de la politique de contrôle), inciter les médecins à utiliser systématiquement les formulaires d’avis d’arrêt de travail en ligne qui suggèrent des durées d’arrêt par pathologie, les obliger à une motivation médicale claire, mieux encadrer les médecins forts prescripteurs, systématiser la suspension des IJ en cas d’avis défavorable du médecin délégué par l’employeur.

Pour autant gageons que la mission de réflexion s’inspirera (et c’est heureux) du vade me cum de tout DRH. Réprimer est nécessaire mais alors, dans le meilleur des cas, on met fin aux abus et à eux seuls ; s’interroger sur les causes managériales et matérielles de l’absentéisme (pénibilité) est indispensable en parallèle. En ce sens un transfert (limité) du poids des courts arrêts à l’employeur n’est peut-être pas une si mauvaise idée…