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Assurance chômage, deuxième tour de chauffe

En décembre 2017, le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de négocier sur la réforme de l’assurance chômage. Quatre points étaient inscrits à l’ordre du jour de la négociation : le droit à indemnisation des démissionnaires, l’extension de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants, l’institution de règles nouvelles pour améliorer l’emploi stable (en clair, pour réduire le recours aux CDD), le contrôle et l’accompagnement des demandeurs d’emploi et la gouvernance de l’assurance chômage. Cette négociation s’est conclue par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février 2018, que seule la CGT a refusé de signer. Même si les dispositions prévues par l’ANI sur la réduction des CDD, le contrôle des chômeurs ou la gouvernance du chômage ne correspondaient pas vraiment aux desiderata de l’Etat (les partenaires sociaux s’en tenaient, sur le premier thème, à une négociation par branche et, pour les autres, au statu quo), l’Etat a paru accepter les conclusions de la négociation. Ce n’était pas vraiment le cas : la loi du 5 septembre 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » comporte, outre des règles nouvelles sur les droits et devoirs des demandeurs d’emploi, une disposition qui permet à l’Etat d’instituer un bonus-malus sur les cotisations des entreprises en fonction, notamment, du type de contrat de travail offert ou du nombre de fin de contrats dans l’entreprise et de prévoir, par décret, des règles sur le cumul entre allocation chômage et salaire. De plus, en juillet dernier, un nouvel amendement évoque la possibilité de créer une allocation chômage de longue durée sous condition de ressources.

L’Etat a de bonnes raisons de se focaliser sur ces thèmes : outre que l’écrasante majorité des contrats de travail à durée déterminée dans les embauches (87 %) soumet à la précarité toute une part de la population, l’équilibre financier de l’UNEDIC est extrêmement dépendant de l’ampleur des CDD. Entre les cotisations versées à ce titre et les prestations servies à la fin d’un CDD, le déséquilibre atteint entre 9 à 10 Mds/an. Or, dans ces CDD, la part des « réembauches » n’a cessé de croître : autrement dit, c’est le régime d’assurance chômage qui finance la souplesse donnée aux entreprises par le recours constant aux CDD. De même l’activité réduite des demandeurs d’emploi a cessé d’être marginale et la part des allocataires indemnisables qui travaillent n’a cessé d’augmenter, la règle des « droits rechargeables » facilitant ce maintien presque indéfini dans la « permittence », qui alterne travail et chômage. Certes, les demandeurs d’emploi améliorent ainsi leur revenu et maintiennent leur employabilité. Cela dit, quels effets à long terme sur un marché du travail qui s’accoutume à une flexibilité dont le coût social est amorti par l’assurance chômage ? Peut-on accepter de plus que le système social encourage les entreprises à offrir des emplois de faible qualité ?

La lettre de cadrage rédigée en septembre 2018 demande donc aux partenaires sociaux de trouver des solutions sur ces points. Elle complète également la négociation par d’autres thèmes   : revoir le principe d’une indemnisation identique pour tous quelle que soit la qualification (incitation à étudier la dégressivité des prestations chômage pour les cadres ?) ; chercher des modalités favorisant « l’emploi durable » en cas de crise conjoncturelle (en utilisant sans doute davantage des dispositions des ordonnances travail permettant de modifier le contrat de travail en cas de difficultés conjoncturelles plutôt que de licencier) ; créer une nouvelle prestation de longue durée ( l’on peut soupçonner que l’Etat veut se débarrasser du financement de l’Allocation spécifique de solidarité qu’il verse aux demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage) ; enfin, conformément d’ailleurs à la loi « Avenir professionnel », qui donne à l’Etat compétence pour fixer la trajectoire financière du régime, définir les mesures permettant d’économiser au moins 3 Mds en 3 ans.

L’enjeu de ces négociations est fort : les partenaires sociaux ont commencé par mal réagir à une telle mise sous pression : ils ont du mal à acter que l’Etat impose une trajectoire financière et la révision de certaines règles d’assurance. Ils vont finalement engager la négociation. Mais aller jusqu’au terme d’une négociation compliquée sous la dictée du gouvernement va leur être difficile.