Justice française: toujours à la traine

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Justice française: toujours à la traine

L’évaluation comparative des systèmes judiciaires en Europe qu’établit tous les deux ans une Commission du Conseil de l’Europe (la CEPEJ) est parue. L’on entend les gouvernements successifs souligner régulièrement les efforts faits pour remettre à flot la justice : augmentations budgétaires, de 2013 à 2016, supérieures à celles des autres ministères (de + 4,3 %, puis + 1,7 %, puis + 2,3 %, puis +1,3 %) et création de 3000 emplois pendant le précédent quinquennat. Il faut croire que ces mesures ne suffisent pas et que le retard est trop important pour être rapidement comblé. Le rapport CEPEJ (qui porte sur 2016) est toujours aussi déprimant. Sa lecture est difficile : il se présente comme une suite de tableaux, assez peu commentés. Pour autant, les chiffres sont parlants : le budget du système judiciaire par habitant est en moyenne, dans les pays étudiés, de 64€ mais avec d’énormes écarts ente la Suisse (214€) et l’Arménie (8€). Avec presque 67€ par habitant, la France semble dans la moyenne mais elle est 20e des 46 pays étudiés et loin des pays comparables. En pourcentage du PIB/habitant consacré à la justice, elle est en queue de peloton et seuls 4 pays font moins bien. Il est vrai que c’est le seul pays où l’accès à la justice est totalement gratuit et où aucune taxe n’est perçue pour la financer. Les juges sont peu nombreux (10,4/100 000 habitants) alors que la moyenne est à 22, et leur nombre a plutôt diminué depuis 2010. Leur salaire est faible (1,27 du salaire moyen en France,2,46 pour l’ensemble des pays). Le ratio personnel autre que juge /juge n’est pas mauvais, bien qu’en dessous de la moyenne (3,2 contre 3,9 en moyenne) mais comme les juges sont en nombre réduit, ces personnels le sont aussi (33,9 /100 000 habitants contre 68,7 en moyenne). Les procureurs sont encore moins nombreux (2,9/100 000 habitants contre une moyenne de 11,7), alors qu’ils assument toutes les missions possibles sauf la justice administrative. Les moyens qui leur sont alloués sont inférieurs (18 % du budget de la justice contre 24 % en moyenne). Un tableau compare par pays leur nombre et le nombre d’affaires reçues : la France fait beaucoup travailler ses procureurs…Enfin, le délai de traitement des affaires civiles s’est dégradé de 2010 à 2016 mais la France n’a pu fournir des indicateurs identiques pour la justice pénale, sauf pour la Cour de cassation où les délais ont également augmenté. En 2016, le Ministre de la Justice déclarait que son ministère n’avait pas les moyens de fonctionner…La loi de programmation en préparation va accroître les moyens du système judiciaire en s’efforçant aussi de mieux répartir les moyens. Mais la Justice restera, pour longtemps encore sans doute, un point noir des services publics.