Dangerosité des implants, tout le monde savait

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Dangerosité des implants, tout le monde savait

Le consortium international des journalistes d’investigation (dont sont membres, en France, le journal Le Monde, Radio-France et Cash investigation) a publié en novembre dernier une enquête sur les implants médicaux, ces dispositifs qui, tels les stents, les prothèses de hanches ou les implants mammaires, restent, a priori indéfiniment, dans le corps. L’enquête révélait que, à la différence des médicaments qui doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché, les implants obtiennent, sans enquête ni contrôle, une certification CE de conformité européenne contre un peu d’argent. Ce label leur permet ensuite de vendre leurs dispositifs aux établissements de santé. Ainsi, la présentation au service compétent d’une photo de filet pour oranges, évoquant vaguement les bandelettes utilisées dans certaines interventions destinées à remette en place des organes, a permis d’obtenir la certification demandée. Les industriels utilisent ensuite un marketing peu compatible avec l’éthique médicale mais efficace, consistant parfois à accompagner le chirurgien au bloc auprès d’un patient cobaye, à mettre à disposition du personnel, à passer des contrats de financement de salles d’opération en contrepartie de la pose de certains implants. Il existe sans aucun doute des accidents médicaux à la suite de ces implantations mais, en Europe, nul ne sait combien, puisque l’information ne remonte pas (c’est différent aux Etats-Unis, qui indiquent 82 000 morts en 10 ans et 1,7 million de personnes blessées). En France, la traçabilité prévue par un décret de 2006 n’est pas appliquée. Quant à la commission européenne, certains agents disent n’avoir pas réussi (voulu ?) réformer un système qu’ils savaient pourtant dangereux, compte tenu d’intenses campagnes de lobbying, comme si, pour un décideur, le fait d’être soumis à pression constituait une excuse. S’agissant des ministres de la santé français, ils étaient avertis des risques : dans un article du 20 décembre 2018, Le Monde recense les rapports remis sur le sujet, d’un rapport élaboré en 2011 pour les assises du médicament à un rapport de l’IGAS de 2015, en passant par un rapport sénatorial de 2012 et l’ouvrage de 2013 d’un professeur de médecine travaillant à l’AP-HP. Tous ces travaux demandent la réforme du système, une évaluation sérieuse des dispositifs, des normes permettant de les évaluer et l’activation effective du dispositif de signalement des incidents. Rien n’a bougé. Dans un entretien donné au Monde le 27 novembre, la ministre de la santé reconnaît avoir été, comme ses prédécesseurs, avertie des risques mais, à l’accusation implicite de laxisme sur les prothèses mammaires texturées accusées d’avoir provoqué certains cancers, répond « qu’il est facile de réécrire l’histoire a posteriori ». Elle s’abrite derrière la difficulté de réformer la procédure européenne mais ne dit pas si elle aurait été en mesure de prendre des textes plus restrictifs au niveau national. Elle affirme tout ignorer des contrats passés entre les industriels et les établissements de santé, explique l’absence d’application du décret de 2006 par la longueur des procédures à mettre en œuvre au préalable pour recenser les prothèses (12 ans…) et excuse l’absence de remontées d’information sur les accidents : le signalement ne serait pas « dans la culture médicale ». Le pilote pilote-t-il vraiment ?