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La vérité sur les fiches S

Alors que les dirigeants des Républicains s’entêtent à proposer l’internement préventif des personnes fichées S pour assurer la sécurité de la population, un sénateur Républicain, François Pillet, a rédigé, au nom de la Commission des lois, un rapport sur ce thème, publié le 19 décembre 2018. Compte tenu des conclusions auxquelles est parvenu le parlementaire, l’objet du rapport n’est pas de proposer de modifier les textes relatifs aux « fichés S » (il n’existe pas de « fichier S », les fiches S sont une part du fichier des personnes recherchées) : le rapport juge le dispositif adapté. L’objectif est de faire œuvre pédagogique. Il existe 30 800 fiches S qui recensent « les personnes susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique par recours ou soutien à la violence, ainsi que toute personne entretenant des relations directes et non fortuites avec elles ».  La définition est, comme ne le remarque pas le rapport, lourde, quasi accusatrice, ce qui peut expliquer les incompréhensions sur le sens du ficher : dès lors que l’on recherche des personnes « susceptibles de… », l’on pourrait penser que leur dangerosité ou leur radicalité sont prouvées. Or, ce n’est pas le cas : le fichier recense d’ailleurs aussi les personnes qui les fréquentent et, dans l’esprit d’un policier, la notion de « personne susceptible de… », sans être anodine, ne vaut qu’incitation à « aller à la pêche » aux renseignements. La fiche S, qui ne comporte que des renseignements succincts (les raisons pour lesquelles la personne est fichée S figurent ailleurs, dans un autre fichier) n’oblige nullement à un suivi régulier : elle indique aux policiers appelés à entrer en contact par hasard avec ces personnes la conduite à tenir, qui consiste le plus souvent à recueillir discrètement certains renseignements sans attirer l’attention de la personne et à la laisser aller. Seules 4,8 % des fiches demandent que la personne soit retenue et que le service ayant demandé l’inscription soit appelé pour suite à donner et 11,8 % précisent que le service doit être contacté pour instructions. Il est vrai toutefois que 17 000 personnes fichés figurent par ailleurs dans le fichier des personnes radicalisées. Au final, le rapporteur insiste sur l’inconstitutionnalité de toute mesure consistant à placer en rétention ou sous bracelet électronique tout fiché S et rappelle que le Conseil constitutionnel a déjà jugé de l’inconstitutionnalité d’une mesure administrative fondée sur le seul motif d’une inscription dans un fichier de police (2003-467 DC 13 mars 2003). Au final, la lecture du rapport est plutôt convaincante : les fiches S ne recensent pas des personnes nécessairement dangereuses dont on aurait la certitude qu’elles vont passer à l’acte, mais plutôt une nébuleuse incertaine de personnes dont le suivi peut apporter des renseignements. Reste pourtant un sentiment de malaise : le rapport mentionne les fichiers qui recensent les populations à risques, notamment le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) qui collecte le nom des personnes jugées potentiellement dangereuses. Le fichage de la population va loin et le minimum que l’on puisse espérer, c’est qu’il soit correctement établi et ne soit jamais utilisé avec arbitraire.