Les CHU : un ensemble disparate et financièrement fragile

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Les CHU : un ensemble disparate et financièrement fragile

La Cour des comptes a remis, en novembre 2018, à la demande de la Commission des affaires sociales du Sénat, un rapport sur « Le rôle des CHU dans l’offre de soins ». Si les 40 CHU se distinguent des autres établissements de santé par leurs activités de recherche et de formation, c’est moins vrai en ce qui concerne l’offre de soins. En ce domaine, l’on distingue (de manière il est vrai imparfaite) les activités de proximité (menées dans tous les établissements), les activités plus complexes d’expertise, appelées à être bien davantage concentrées dans les CHU, et les activités de recours, réservées à certains établissements spécialisés (dont l’un des exemples est la greffe d’organes). Si les activités de recours sont bien exercées massivement dans les CHU (à 81 %), elles sont concentrées dans les 5 principaux d’entre eux et sont donc très inégalement distribuées. Les activités d’expertise sont loin d’être le monopole des CHU, qui ne les concentrent qu’à 60 %, une part non négligeable (23 %) étant le fait des centres hospitaliers. Quant aux soins de proximité, ils représentent la très grande majorité des soins délivrés en CHU, qui se distinguent peu sur ce point, pour la plupart d’entre eux, des centres hospitaliers ordinaires ou des grandes cliniques privées. Celles-ci concurrencent d’ailleurs fortement les CHU sur certains secteurs de soins (obstétrique, cardiologie interventionnelle, endoscopies digestives, urologie…). Le profil des patients accueillis en CH et en CHU est de plus très proche quant à la gravité des cas, mais pas en termes d’âge (les patients les plus âgés sont en CH). Cette ressemblance entre une grande part des CHU et les gros CH est financièrement pénalisante, en raison, notamment, du retard des CHU en matière de chirurgie ambulatoire par rapport aux CH et surtout aux cliniques privées. De plus, les CHU dans leur ensemble sont en situation de déséquilibre financier depuis 2011, avec une aggravation en 2017, même si 15 CHU sur 40 sont excédentaires. Le rapport considère que cette situation relève d’une vigilance insuffisante sur certaines dépenses (médicaments innovants jusqu’en 2015, dépenses générales et hôtelières depuis), avec, en outre, des différences de productivité fortes entre CHU voire avec les CH. Cette situation réduit les marges de manœuvre des CHU, en termes d’investissements notamment. Les enquêtes de satisfaction des patients accueillis ne sont d’ailleurs pas parmi les meilleures, qui notent la dégradation des conditions d’accueil et de longs délais d’accès aux soins. Sans surprises, le rapport préconise une organisation en réseau plus nettement marquée, entre CHU d’une part et entre CHU et CH d’autre part, pour une meilleure gradation des soins et une répartition des activités plus économe. Au final, la lecture du rapport, bien qu’offrant une analyse intéressante de l’activité de soins qui gomme, pour une partie des CHU, leur spécificité de départ, ne lève pas toutes les interrogations : alors que les CHU se plaignent de subir une crise profonde en termes de moyens et que, de fait, la qualité des soins semble s’y dégrader, le rapport, pour expliquer le déséquilibre financier, évoque, comme les précédents depuis 10 ou 15 ans, la lenteur des transformations (notamment en chirurgie ambulatoire), les différences de productivité, s’agissant notamment des ressources médicales, l’insuffisance des réductions d’effectifs ainsi que la mauvaise maîtrise de la gestion des moyens. Qui réconciliera la vision des contrôleurs et celle des personnels de terrain ?