Sanctionner les demandeurs d’emploi

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Sanctionner les demandeurs d’emploi

Le décret 2018-1335 du 28 décembre 2018 relatif aux droits et obligations des demandeurs d’emploi précise, en application de la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, les sanctions applicables aux demandeurs d’emploi lorsqu’ils manquent à leurs obligations, à savoir se présenter à un rendez-vous, rechercher activement un emploi, ne pas refuser deux fois une offre raisonnable d’emploi, élaborer et réviser un « PPAE » (projet personnalisé d’accès à l’emploi), suivre une formation, se présenter à un examen médical et suivre une action d’aide à la recherche d’un emploi.  Le décret a été présenté comme un durcissement des règles précédentes. La vérité est plus nuancée : les textes ne durcissent les sanctions, au premier manquement, que pour l’insuffisance de recherche d’emploi, l’abandon d’une formation et le refus de suivre une action d’aide à la recherche d’emploi.  Dans tous les autres cas, la sanction au premier manquement est atténuée. Cependant, alors que, dans les textes précédents, une large marge était laissée pour décider de la sanction lors du deuxième manquement (souvent une fourchette était indiquée), la sanction est désormais ferme : c’est un durcissement. De même, des cas de 3e manquement sont prévus (ils ne l’étaient pas) avec une sanction plus forte. Pour autant, désormais, le seul cas où la suppression de l’allocation est définitive concerne un 2e manquement pour fausses déclarations. C’est la philosophie du décret qui est modifiée, plus que sa sévérité : les sanctions sont plus graduées mais d’application plus mécanique.

Le durcissement est probablement ailleurs que dans ce texte.

Il est d’abord, paradoxalement, dans la souplesse désormais de la définition de l’offre raisonnable d’emploi. Jusqu’alors cette définition était largement donnée par les textes, qui prévoyaient une dégradation des caractéristiques de l’offre (salaire, distance acceptable) en fonction de la durée du chômage. Désormais c’est le PPAE négocié (et amendé) défini par le demandeur et son conseiller Pôle emploi qui précise ce que sera l’offre raisonnable à accepter, l’encadrement de la loi restant général. L’instruction du 3 janvier 2019 indique que le demandeur doit accepter une offre avec un niveau de salaire pratiqué dans la région pour le type d’emploi considéré mais a le droit de refuser une offre de salaire inférieur, qui ne serait pas compatible avec ses compétences ou qui serait à temps partiel s’il recherche un temps complet. La dureté des dispositions précédentes conduisait à écarter, en pratique, les sanctions. Désormais, les dispositions apparaissent raisonnables : les sanctions deviendront effectives.

La vraie question toutefois est celle du degré de priorité que revêt le contrôle des demandeurs d’emploi et des moyens que Pôle emploi y consacre, sur demande exprès de l’Etat. Sur le principe, le contrôle est pleinement légitime et les sanctions aussi, dès lors qu’elles s’appliquent intelligemment (l’absence a un rendez-vous peut être involontaire ou accidentelle). Ce qui chiffonne, c’est la priorité très politique donnée à cette dimension de contrôle, d’une part parce que Pôle emploi n’est souvent pas en mesure de remplir sa part du contrat (suivi, proposition de formations ou d’emplois), d’autre part parce que le pourcentage de personnes sanctionnées paraît faible : les résultats annoncés en août 2018 d’une campagne vérifiant la recherche active d’emploi évoquent, sur une campagne qui a certainement sélectionné des profils suspectés d’inertie, 12 % de personnes sanctionnées, moyenne qui recouvre des demandeurs d’emploi de longue durée indemnisés par le régime de solidarité (le taux de sanction monte alors à 15 %) et des demandeurs non indemnisés (les sanctions passent à 19 %). Au final, le taux de fraudeurs, on peut en convenir, est faible. Much ado about…