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Amiante, obtenir justice

En 2019, 22 ans après l’interdiction de l’amiante, les victimes de l’amiante n’ont jamais réussi à faire pénalement condamner ni les responsables des entreprises qui ont exposé leurs salariés à l’amiante ni les responsables nationaux qui ont siégé au Comité amiante, structure informelle de lobbying mise en place en 1983 et dans lequel, à côté de représentants des ministères, ont siégé des représentants de l’industrie de l’amiante qui plaidaient « pour un usage maîtrisé » du produit. Rappelons que, depuis 1950, la fibrose est reconnue comme maladie professionnelle et que le lien entre cancer et amiante est établi. En 1976, le Centre international de recherche contre le cancer a classé l’amiante dans les substances cancérigènes. Ce n’est qu’à la suite d’un rapport de l’INSERM que l’amiante a été interdite en France, en 1997, des années après les restrictions imposées dans les autres pays européens. Or les plaintes au pénal n’aboutissent pas parce que le parquet ne les juge pas recevables et refusent, en tout état de cause, de « joindre » les plaintes individuelles levant d’une même entreprise : il considère en effet que, comme il est impossible d’établir avec précision la date de la contamination des salariés, il est impossible de mettre en cause des dirigeants qui ont pour la plupart changé d’affectation pendant la période. C’est ainsi que le 22 novembre 2017, le parquet a demandé un non-lieu général pour les responsables de Sollac-Atlantique (usine de sidérurgie) et, le 18 septembre 2018, pour ceux de Valéo à Condé-sur-Noireau. Les plaignants arguent que d’une part, la contamination ne se fait pas à une date précise mais sur une période d’exposition, d’autre part que, pour être certain que des responsables n’ont pas été en poste sur toute la période incriminée, encore faudrait-il enquêter et donc recevoir les plaintes. Les victimes de Sollac ont, en décembre 2018, obtenu satisfaction puisque la Cour d’appel de Paris a jugé leurs plaintes recevables mais le parquet s’est pourvu en cassation.

Quant aux responsabilités des membres du Comité amiante, les plaignants ont sans doute perdu définitivement tout espoir de les voir reconnues : après des rebondissements divers, la Cour de cassation s’est définitivement prononcée en 2015 (pour Condé-sur-Noireau) et en 2018 (pour d’autres sites). Elle ne s’est pas prononcé sur le fond mais a estimé que le jugement blanchissant le Comité (qui indique que, à l’époque, les dangers de l’amiante étaient insuffisamment connus et que, au demeurant, les personnes incriminées n’avaient pas de pouvoir décisionnaire) relevait de l’appréciation souveraine des juridictions qui l’avaient rendu.

Rebondissement en janvier 2019 :  les associations de victimes déposent une citation directe collective devant le Tribunal de grande instance de Paris, ce qui permet de se passer d’instruction si l’on est en mesure de démontrer la culpabilité. Certains juristes pensent que cette action collective aurait dû être mise en œuvre dès l’origine et auraient permis de « contrer » l’action du parquet, défavorable aux poursuites. Ce qui est clair, c’est que, sur le dossier de l’amiante, justice et équité ne font pas bon ménage.