Accessibilité aux services publics en milieu rural : comment faire?

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Accessibilité aux services publics en milieu rural : comment faire?

Le rapport établi en mars 2019 par la Cour des comptes à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, « L’accès aux services publics dans les territoires ruraux », ne pouvait pas mieux tomber : comme l’indique, dans une récente interview, la ministre en charge des collectivités territoriales, le sujet central du grand débat qui se termine aura été « le besoin de proximité » exprimé dans des territoires éloignés des centres, que ce soit en termes de services de santé ou, de manière plus générale, d’écoles, de services de délivrance de titres, d’accès aux organismes de sécurité sociale et à la Poste.

La Cour établit que la question concerne 15 % de la population qui vit dans des zones peu denses, en relatif déclin économique, démographiquement vieillies et, surtout d’attractivité faible pour les soignants et les agents publics, ce qui limite les velléités d’affectation contrainte de personnels publics ou privés dans ces territoires.

La Cour a d’abord analysé les réseaux des services publics nationaux : son diagnostic est différent selon les domaines. Elle considère que, contrairement à une opinion répandue, les grands services publics traditionnels n’ont pas abandonné les territoires ruraux peu denses : la gendarmerie, les écoles, la Poste restent présents, même si ces réseaux se sont adaptés (pour l’Education nationale par exemple, recours aux classes uniques ou regroupement intercommunal, pour la Poste, politique de « points de contact », la gendarmerie ayant quant à elle réduit ses effectifs mais amélioré sa mobilité).

Pour certains services publics, l’avenir compréhensible et logique est de passer au numérique : c’est le cas des préfectures, de Pôle emploi, de la Direction des finances publiques qui est en train de basculer.   La question est alors celle de la préparation du basculement vers un service numérique et de son accompagnement : c’est d’autant plus nécessaire que les infrastructures numériques posent problème dans de nombreux territoires et que les caractéristiques de la population représentent une difficulté supplémentaire.

Enfin, sur l’accès aux soins et la prise en charge de la dépendance, les mesures ont été très nombreuses et d’efficacité limitée. Les difficultés sont réelles, parfois mal mesurées et, à vrai dire, ne sont pas toujours propres aux zones rurales. La réponse est certainement à rechercher dans la mutualisation de l’offre que représentent les maisons de santé et dans l’offre de télémédecine, de même que, pour la prise en charge de la dépendance, l’espoir se trouve dans la transformation du rôle des EHPAD qui devraient être en charge d’organiser le maintien à domicile. Mais beaucoup reste à faire.

La Cour a ensuite analysé les politiques nationales d’accessibilité : il existe de très nombreux textes, mal ou pas appliqués. La Cour plaide pour la définition de critères quantitatifs d’accessibilité mais adaptés à la réalité locale. Aujourd’hui, plusieurs instruments émergent, les Schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité aux services publics (censés définir pour une période de 6 ans, une politique d’amélioration de l’accessibilité), les Maisons de service public (MSP) et les Maisons de santé pluri-professionnelles.  Cependant les Schémas ont été définis tardivement, sont parfois incomplets (l’Etat étant parfois incapable de fournir un schéma de ses implantations futures et de de celle de ses opérateurs, le Schéma ne contient rien là-dessus), reposent sur un diagnostic discutable des besoins, ne sont pas toujours cohérents avec d’autres schémas stratégiques. La Cour propose de travailler à leur amélioration, à leur cohérence et à leur complétude. La mission doit être laissée aux départements avec l’aide, pour la mise en œuvre locale, des EPCI.  Elle souhaite que les services du Ministère de la cohésion des territoires soient l’autorité en charge de procéder aux arbitrages nécessaires en ce qui concerne le plan d’accessibilité aux services de l’Etat.

Il en est un peu de même des MSP, qu’il faut conforter, mieux financer, constituer en véritable réseau s’articulant avec les besoins repérés dans les Schémas départementaux. Il en existe aujourd’hui 1300, ce qui est proche du souhaitable, mais leur offre est hétérogène et insuffisamment connue.  Leur développement passe par la reconnaissance d’un nouveau métier, agent administratif polyvalent, et la définition de nouvelles modalités de financement (elles sont financées par un collectif Pôle emploi, la Poste, Caisses de sécurité sociale, GRDF…), le financement actuel étant insuffisant.

Sur la santé et l’accès aux soins, le rapport n’a guère d’idées neuves, sauf à développer le réseau des maisons de santé et à s’appuyer davantage, pour les soins courants, sur les pharmacies.

Quant à la transition vers le numérique, le rapport plaide pour des ateliers d’apprentissage et pour la présence d’agents d’accompagnement qui effectuent les démarches en présence des personnes et en les familiarisant avec les outils numériques.

La Cour au final relève les nombreuses mesures en place mais regrette l’absence d’une politique globale, bien coordonnée, cohérente, assumée et correctement conduite. Elle demande que cette politique soit désormais définie et effectivement appliquée.