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Rapport Libault sur le grand-âge: trop ambitieux?

Le rapport Libault, rédigé dans le cadre de la concertation ouverte en 2018 sur le grand-âge  et publié en mars 2019, propose un ensemble de mesures riche et audacieux. Il répond à la volonté des personnes âgées, même très dépendantes, de rester chez elles, de l’amélioration du service rendu par les personnels qui les accompagnent, à domicile ou en établissements, de l’amélioration des actions d’information et d’orientation, enfin de l’amélioration des prestations versées.

L’orientation principale consiste sans doute à proposer de sortir de l’opposition domicile /établissement en envisageant le développement d’habitats intermédiaires où la personne dépendante, à la différence de ce qu’elle vit dans les EHPAD, se sentirait  « chez elle ». La mesure complémentaire est de décloisonner les structures : les EHPAD pourraient être en charge de coordonner l’organisation du maintien à domicile dans ces structures adaptées. L’objectif est de baisser le taux d’hébergement, de le réserver aux personnes pour lesquelles cette solution est indispensable, d’organiser les établissements en petites unités de vie et, sinon, de maintenir le plus possible les personnes âgées dans la ville et dans la société ; le développement de structures d’accueil temporaire et de jour permettrait de diversifier l’offre et de soulager les aidants.

Le deuxième ensemble de mesures tend à restaurer l’attractivité des métiers du grand âge, aujourd’hui délaissés car pénibles et mal rémunérés. Cela impliquera de réformer la tarification des services d’accompagnement à domicile pour supporter l’accroissement des dépenses (formation, temps de coordination) et permettre aux personnels de passer plus de temps auprès des personnes âgées. Dans les établissements, l’effort portera sur l’augmentation de l’encadrement « au lit du malade » (+ 25 % d’ici 2024). Pour revaloriser les métiers, Le rapport insiste moins sur les hausses de rémunération que sur la formation, les conditions de travail, les perspectives de carrière ; il préconise également une meilleure coordination à domicile entre les différents services, en favorisant leur regroupement ;

Le troisième ensemble de mesures tend à mieux organiser l’information et l’orientation, en créant un réseau de « Maisons » départementales pour conseiller les aidants et les familles. Il est proposé que ceux-ci puissent bénéficier d’un congé rémunéré si nécessaire.

Un dispositif permettrait enfin de limiter la participation financière de la personne hébergée en EHPAD en cas de ressources modestes ou si elle est prise en charge, pour dépendance lourde, sur une longue durée. A domicile, l’APA, qui est aujourd’hui quasi-exclusivement consacré aux aides humaines faute que le plafond d’aide soit adapté, pourrait financer, mieux qu’aujourd’hui, les aides techniques et les séjours provisoires en établissement, grâce à l’institution de 3 plafonds différents.

Le coût des propositions est important, 4,8 Mds supplémentaires à horizon 2024, 6,1 de plus à horizon 2030, avec au total 9,2 MDS de financement public supplémentaire. Si, à partir de 2024, le moyen de financement est clair (il est proposé de réaffecter à la politique en faveur des personnes âgées le montant de l’actuelle CRDS, contribution au remboursement de la dette sociale, à l’échéance prévue de son extinction), elle l’est moins dans l’intervalle et c’est apparemment surtout l’assurance maladie qui serait mise à contribution. Il n’est pas du tout certain qu’elle le puisse sur la durée, même si la branche devrait atteindre l’équilibre prochainement. De plus, dans un contexte où les pouvoirs publics prônent la réduction des dépenses publiques, un montant aussi élevé de dépenses nouvelles risque de soulever de fortes réticences.

L’application du rapport ne sera pas seulement coûteuse : elle sera compliquée. Transformer le modèle des EHPAD, les ouvrir sur le maintien à domicile, rénover les établissements, multiplier les habitats intermédiaires insérés dans la ville, revoir la tarification des services d’accompagnement, réviser les conventions collectives des personnels, autant de chantiers complexes qui risquent de prendre beaucoup de temps. La vision d’ensemble est ambitieuse, c’est certainement celle vers laquelle il faut aller mais elle demande un effort de mise en cohérence qui touche de très nombreux domaines et impliquera un suivi attentif. Quel pouvoir politique mènera un effort d’une telle envergure ?