La loi sur l’immigration et l’asile n’a rien changé

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La loi sur l’immigration et l’asile n’a rien changé

La loi du 10 septembre 2018 entendait, selon son exposé des motifs, accélérer le traitement des demandes d’asile et favoriser l’application des « obligations de quitter le territoire » (OQTF). Pour cela, elle agissait essentiellement sur les délais. S’agissant de l’instruction des demandes d’asile, l’objectif était de réduire à 6 mois les délais d’ensemble, alors même que l’objectif fixé par une précédente loi de 2015 (9 mois) n’était pas encore atteint, les délais atteignant, en 2017, 11 mois en moyenne. Pour les réduire encore, la loi abaissait de 120 à 90 jours le délai pour déposer une demande à compter de l’arrivée sur le territoire, sachant que le délai pour obtenir un R-V à la Préfecture et déposer la demande peut dépasser un mois et que le demandeur n’a aucun moyen de le réduire. Dans le même esprit, les délais de demande d’aide juridictionnelle en cas de recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile ont été réduits à 15 jours après notification de la décision défavorable de l’OFPRA, ce qui est très court. Enfin, toujours pour accélérer la procédure, la loi a imposé le recours aux visioconférences dans certaines audiences, alors même que l’on pressent qu’il s’agit là d’une disposition qui dépersonnalise la relation et défavorise des personnes timides ou apeurées. Le deuxième objectif de la loi (améliorer l’efficacité des sorties contraintes du territoire), a conduit à porter la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours.  Lors de la discussion parlementaire la Cimade avait plaidé que la mesure était uniquement punitive ou d’affichage et ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi : le délai moyen en rétention était alors de 12 jours, alors que le maximum autorisé était de 45 jours. Au-delà de 15 jours, disait l’ONG, le maintien en rétention est inutile parce que les pays saisis pour réadmettre l’étranger acceptent rapidement ou, sinon, ne répondent pas.

Le 18 mai dernier, le Journal Le Monde a établi un bilan de la loi quelques mois après son entrée en application : la délivrance des « laisser-passer consulaires » (le document par lequel un pays accepte de reprendre son ressortissant) est passé de 54 % en 2018 à 57 % sur les premiers mois de 2019, sans que l’on sache si cette variation légère est conjoncturelle, est le résultat des efforts menés par ailleurs ou résulte effectivement de durées de rétention plus longues. Celles-ci sont rares : 2 % de retenus restent au-delà de l’ancienne limite, soit 45 jours. La durée moyenne de rétention (15 jours en 2018) est en tout cas en baisse sur les premiers mois de 2019.

Quant aux délais d’instruction des demandes d’asile, ils restent stables et ne se réduisent pas. Il est vrai que les avocats n’ont pas accepté les visioconférences imposées, les jugeant contraires aux intérêts d’une bonne justice et que la mesure a été suspendue. Par ailleurs, le flux des demandes a augmenté début 2019 mais les conséquences ne se verront que plus tard.

Il faudra bien évidemment tirer un bilan de la loi sur le plus long terme. Cependant, l’instabilité du droit de l’immigration (22 lois depuis 1980) montre que le processus législatif est détourné : les lois sont votées sans évaluation des lois précédentes et sans réflexion approfondie sur les causes des dysfonctionnements constatés. Ce sont des lois d’affichage qui flattent l’instinct de rejet de l’opinion publique. Les pouvoirs publics y perdent du temps, de l’argent et de la crédibilité.