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Cannabis : le retour

Double offensive pour la légalisation du cannabis en ce mois de juin, celle du Conseil d’analyse économique (CAE), qui propose de « reprendre le contrôle » sur ce dossier, et le dépôt d’une proposition de loi à l’Assemblée nationale sur le même sujet, « Pour en finir avec le statu quo », signée par 22 députés appartenant à la LREM et aux partis de gauche. Le constat dressé par la note du CAE n’est pas nouveau. En France, la consommation est importante : plus de 40 % des adultes ont expérimenté le cannabis dans leur vie, soit le double de la moyenne européenne et, plus inquiétant, un mineur sur deux en a déjà eu l’expérience et 10 % d’entre eux sont des consommateurs réguliers. La politique de « prohibition » est donc un échec : 90 % des 145 000 personnes interpellées pour usage de stupéfiants le sont pour consommation de cannabis, avec une politique pénale qui sanctionne mais est contrainte également d’utiliser des approches alternatives variables et inégales selon les territoires, composition pénale, transaction pénale ou rappel à la loi. Surtout, cette politique coûte cher, avec une estimation de 568 millions pour les finances publiques (pour l’essentiel des dépenses police/justice, les dépenses de soin n’en représentant que 10 %). Les policiers y consacrent un temps non négligeable et que l’on peut considérer comme perdu. Si l’on ajoute que le cannabis est moins addictif que les autres drogues mais qu’il est dangereux pour les jeunes jusqu’à 25 ans (beaucoup moins pour les adultes), le pragmatisme imposerait d’agir. D’autres pays l’ont fait, soit par légalisation (Uruguay, Canada, Afrique du Sud et plusieurs Etats américains), soit par dépénalisation (Portugal, Australie, Pays-Bas).  Des bilans existent, qui sont consultables, avec, en règle générale, une baisse de la criminalité, mais parfois une hausse de la consommation et un débat sur les effets passerelles vers d’autres drogues qui ne semblent toutefois pas avérés.  Les propositions cependant feront hésiter :  le CAE choisirait la légalisation, avec un monopole étatique qui permettrait de fixer les prix (un prix élevé assèche le marché mais un prix bas assèche le trafic et mieux vaut s’orienter vers un prix modéré), d’interdire la vente aux mineurs et de financer par les recettes fiscales correspondantes une politique de prévention énergique. Une crainte : relancer ce débat au moment où se profile l’autorisation au cannabis thérapeutique n’est peut-être pas parfaitement opportun. Mais il est vrai que l’on rêverait que le débat ait lieu : non seulement parce qu’il serait utile mais aussi parce qu’il témoignerait de sérénité et de réalisme dans l’approche des politiques publiques. Il est cependant bien plus probable qu’il ne se passera rien, pas même une discussion, sauf des effets de manche de chefs de partis préoccupés des réactions de leur clientèle électorale, moins de la santé publique et du sens de l’action policière.