Service civique : une réussite menacée?

Talis : mieux former les enseignants
23 juin 2019
Agence nationale de cohésion des territoires: chicaneries pour un projet sans ambition
14 juillet 2019

Service civique : une réussite menacée?

L’Agence nationale du service civique a fait paraître son rapport d’activité 2018. En 2018, le service civique, dont on rappellera qu’il confie à de jeunes volontaires de 16 à 25 ans une mission temporaire de 6 à 12 mois (portant sur les domaines éducatif, environnemental, scientifique, social, sportif, humanitaire…) auprès de personnes morales sans but lucratif agréées par l’Agence du service civique, a accueilli 140 000 volontaires. Depuis sa création en 2010, le nombre n’a cessé d’augmenter, passant de 6000 au départ à 35 000 en 2014 puis 92 000 en 2016.  Il faut dire qu’après les attentats de janvier 2015 en France, la décision a été prise de relancer le service civique dans le but de favoriser l’engagement des jeunes et des actions de solidarité et de « lien social ». En février 2015, le Président de la République a même annoncé « un service civique universel », non obligatoire toutefois. Cela signifiait que tout jeune qui le demanderait devrait pouvoir effectuer ce service civique. Ce n’est pas tout à fait le cas : 140 000, c’est un peu moins du quart d’une classe d’âge.

Le succès est cependant indéniable : les jeunes (âge moyen : 21 ans, dont 43 % a un niveau bac et 32 % un niveau supérieur), qui sont accueillis à 60 % dans des associations, les autres allant dans des services de l’Etat, des collectivités ou des établissements publics, en sont massivement satisfaits. Le dispositif est considéré comme un moyen d’acquérir une expérience professionnelle qui peut être valorisée ensuite auprès des recruteurs. Il peut aussi occuper le sas qui sépare la fin des études de l’emploi. Le succès s’explique aussi par l’autonomie laissée aux jeunes, qui bénéficient d’un tutorat mais doivent construire leur projet. Le volontaire n’est pas subordonné à l’organisme qui l’accueille et il ne doit pas en remplir les missions courantes mais contribuer à un projet utile. Il ne s’agit donc pas d’un « service militaire bis » ou d’un bénévolat simple. C’est davantage. Certes, la logique est « institutionnelle » (le service civique est formalisé, encadré) mais les jeunes bénéficient d’une forme d’émancipation et d’encouragement à la prise d’initiative : ils doivent s’impliquer.

Il semble acquis désormais que le service civique s’articulera avec le service national universel (SNU) : celui-ci comportera une première période de deux semaines dans une brigade de jeunes (en théorie après la 3e), puis une deuxième de 2 semaines consacrée à une mission d’intérêt général. Sera ensuite ouverte la possibilité d’un engagement de 3 mois au moins dans le domaine de la défense et de la sécurité, dans celui de l’accompagnement des personnes ou dans la préservation du patrimoine. Le service civique disparaîtra-t-il alors sous sa forme traditionnelle pour organiser cette période ? On ne sait trop. Il est difficile, au-delà, de ne pas s’interroger sur l’intérêt respectif du service civique et du SNU, qui va coûter davantage (le coût pour l’Etat du service civique est de 520 millions, notamment parce que l’Etat verse une indemnité aux bénéficiaires). La question revient à s’interroger sur l’engagement et l’apprentissage citoyen : n’aurait-il pas été préférable de laisser pleinement le choix aux jeunes, d’autant plus qu’ils postulent de plus en plus nombreux pour le service civique et qu’ils y trouvent leur compte puisqu’ils s’efforcent d’inscrire cette période dans leur cursus professionnel ? En outre, la durée moyenne du service civique est de 7 mois (alors que l’expérience prévue par le SNU est plus courte et plus hachée) et le jeune choisit le moment où il juge opportun d’insérer cette césure. Surtout, le service civique est un choix. Le SNU ne s’imposait vraiment pas…