Aide sociale à l’enfance, sombre constat

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Aide sociale à l’enfance, sombre constat

La qualité de service de l’aide sociale à l’enfance, compétence des départements mais aussi de la justice, a été mise en cause à plusieurs reprises : en 2009, un rapport de la Cour des comptes, qui reconnaissait l’implication des personnels et la recherche d’une amélioration des méthodes, soulignait l’insuffisance de la maîtrise du « parcours » des enfants recueillis (avec une succession de décisions sans toujours vision de long terme) et le contenu trop flou des « mesures éducatives ». Au moins sur le premier point, la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance a donné au service de nouvelles missions : définir un « projet pour l’enfant » afin de mieux stabiliser des parcours trop souvent chaotiques, veiller aux liens avec les frères et sœurs, enfin préparer les sorties et proposer plus systématiquement un accompagnement après la majorité jusqu’à 21 ans.

Plus récemment, le Conseil économique, social et environnemental a relevé à nouveau, dans un rapport de juin 2018, les multiples transferts dont sont victimes, lors de leur prise en charge à l’ASE, les enfants, surtout les enfants « difficiles », souffrant de troubles psychiatriques ou de handicaps. En traitant le cas des jeunes recueillis par l’ASE et qui ne bénéficient pas à leur majorité du « contrat jeune majeur » prévu par les textes (de manière facultative, il est vrai), le rapport avait soulevé une véritable émotion : il évoquait l’extrême précarité auquel sont exposés ces jeunes (35 % des SDF de 18 à 24 ans sont d’anciens de l’ASE) et le gaspillage que représente une prise en charge coûteuse qui se termine par une mise à la rue. Il était alors question de légiférer pour rendre obligatoire au moins jusqu’à 21 ans l’aide aux jeunes majeurs. Depuis lors, le gouvernement a décidé d’apporter une autre réponse :  il a décidé de contractualiser avec les départements sur l’application de son plan de lutte contre la pauvreté et il a inclus dans cette contractualisation le cas des jeunes majeurs de l’ASE. Parallèlement, il a confié à la députée qui avait proposé de légiférer sur ce sujet une mission d’approfondissement pour identifier les bonnes pratiques des départements, afin d’inciter tous les départements à les adopter. Le gouvernement a donc, sur ce sujet sensible, choisi l’apaisement et la coopération.

Le 3 juillet 2019, un nouveau rapport, issu d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance, repart en guerre. Le rapport est net sur « les dysfonctionnements de l’accueil » des enfants, les carences en termes de suivi médical, notamment en pédopsychiatrie, l’insuffisance de la lutte contre l’échec scolaire, qui est fréquent, l’absence d’un véritable suivi malgré l’obligation d’établir un « projet pour l’enfant », la séparation entre frères et sœurs. Au-delà de propositions tendant à exiger des diplômes du personnel éducatif et une meilleure formation des assistants familiaux, le rapport réclame davantage de contrôle des structures d’accueil par les départements, l’élaboration d’une doctrine sur les placements, des créations de places, voire de nouveaux modes d’accueil, une politique harmonisée pour les mineurs non accompagnés, un meilleur respect du droit des enfants dans les procédures judiciaires (avec une représentation par avocat ou administrateur ad hoc notamment). Surtout, le rapport considère qu’il y a autant de politiques d’aide sociale à l’enfance que de départements et qu’il faudrait mieux lutter contre les inégalités constatées : il préconise pour y veiller la création d’une Agence nationale co-pilotée par l’Etat et les départements et l’institution auprès de chaque préfet d’un référent pour la protection de l’enfance. La proposition a été analysée pour ce qu’elle est : une sorte de renationalisation d’une compétence que les départements exerceraient mal.

Face à ces attaques, le gouvernement s’efforce de déminer et de rassurer les départements. Le secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des solidarités et de  la santé a présenté début juillet un « plan d’action » sur la protection de l’enfance, qui ne contient quasiment rien : co-saisine de plusieurs juges pour enfants  pour les cas complexes (les juges sont déjà débordés), mission d’inspection générale sur les délais d’exécution des mesures de justice (les constats existent et sont malheureusement clairs : dans certains départements, faute de moyens, les délais pour faire exécuter une AEMO judiciaire atteignent plusieurs mois), création de quelques postes en pédopsychiatrie et annonce, sans plus de précisions, de mesures tendant à améliorer l’attractivité des assistants familiaux. En attendant le rapport suivant sur les carences de l’ASE…