Remédier aux dysfonctionnements des Prud’hommes

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Remédier aux dysfonctionnements des Prud’hommes

Un groupe de travail sénatorial s’est intéressé au fonctionnement des tribunaux de prud’hommes, justice du travail paritaire qui repose sur des juges non professionnels longtemps élus et désormais désignés, depuis l’ordonnance du 31 mars 2016, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles représentatives des employeurs et des salariés. Les prud’hommes sont critiqués pour la longueur du délai de traitement des affaires ainsi que pour l’importance du taux d’appel de leurs décisions, qui peut laisser soupçonner que leurs jugements sont défaillants compte tenu de la complexification croissante du droit du travail. Les Conseils de prudhommes ont déjà été réformés : cela a été le cas en 1979, où leur implantation a été revue pour les rendre plus accessibles, où leurs compétences ont été élargies aux cadres, où un référé a été créé. Plus récemment, la loi du 16 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a voulu remédier à leur lenteur : elle a conféré un rôle pivot à un bureau de conciliation et d’orientation, en charge de « mettre l’affaire en état » en procédant à des mesures d’instruction et d’échange de pièces tendant à faciliter la phase de jugement. Surtout, ce bureau devait favoriser la conciliation, notamment en homologuant des accords de règlement amiable. En cas d’échec de la conciliation, ce bureau devait orienter vers diverses formations de jugement, dont une formation restreinte. La loi de2015, qui soumet l’introduction des requêtes devant les prud’hommes à un plus grand formalisme, met également en place une formation obligatoire des Conseillers et institue des obligations déontologiques, notamment d’impartialité. De manière plus indirecte, les ordonnances de 2017 ont également cherché à fluidifier le traitement des contentieux, en permettant à l’employeur de préciser ex post les motifs inscrits dans la lettre de licenciement, en instituant un barème d’indemnités en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse et en réduisant les délais de recours.

Or, malgré la baisse du contentieux porté devant les prud’hommes depuis 2009 (du fait, pour l’essentiel, de l’institution de la rupture conventionnelle), malgré la réforme de 2015, les délais moyens restent longs, allant, en 2018, de 16 à 32 mois lorsqu’intervient un juge départiteur (magistrat professionnel sollicité lorsque les conseillers prud’hommes n’ont pu se départager), avec, il est vrai, de forts écarts entre Conseils. L’Etat a ainsi été condamné à plus de 330 reprises, en 2017, pour fonctionnement défaillant de la justice. Le taux d’appel est très élevé (67 %), ce qui conduit, au final, à des délais de traitement d’une affaire déraisonnables. Les explications avancées sont multiples : les affaires seraient très conflictuelles, la conciliation, en théorie privilégiée, deviendrait rare (8 % des affaires), la motivation des jugements serait lacunaire, ce qui pousserait à poursuivre le contentieux, y compris, pour les employeurs, pour gagner du temps.

Face à cette situation, le rapport sénatorial de juillet 2019 évoque d’abord la nécessité de répondre au manque de moyens humains et financiers (postes de greffiers, d’assistants juridiques, de juges départiteurs). Il propose aussi de ne pas maintenir obligatoire l’étape de conciliation mais d’opérer au départ un tri entre les affaires et de renvoyer directement vers une instance de jugement celles qui le méritent, voire directement vers un juge départiteur sur demande des parties. Il propose enfin de renforcer la formation des conseillers. Ce n’est qu’à la fin du rapport qu’il évoque, en prônant des expérimentations, des réformes plus structurelles, où les formations de jugement seraient composées à la fois de conseillers prud’homaux et de juges professionnels. Il le fait avec prudence : les rédacteurs ont manifestement apprécié la connaissance des entreprises des juges non professionnels. Au demeurant, les délais de la justice aussi sont trop longs, même s’ils le sont moins (13 mois pour les TGI, 15 mois pour les Cours d’appel). Mieux vaut donc tenter de faire mieux fonctionner une justice prud’homale dont les salariés attendent beaucoup et qui traite d’affaires extrêmement sensibles pour les personnes en cause.