Convention citoyenne sur le climat : qu’en attendre?

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Convention citoyenne sur le climat : qu’en attendre?

A l’issue du grand débat, le Président de la République a annoncé la réunion d’une Convention citoyenne pour le climat, qui doit finalement se réunir en octobre prochain et se terminer au début de 2020. L’on sait tout sur le tirage au sort des 150 membres, qui doivent être représentatifs de la société française, sur leur rythme de travail (six week-ends de 3 jours) et sur les Comités qui entourent cette instance, le Comité de gouvernance et ses 12 experts, en charge d’élaborer le programme de travail et d’en suivre la réalisation, et le Comité des garants, en charge de veiller à l’indépendance et à la déontologie des travaux. Comprendre sa mission est plus compliqué : le compte rendu du Conseil des ministres du 3 juin dernier indique qu’elle est chargée de « redessiner les mesures concrètes d’aide aux citoyens dans la transition climatique » et de définir des moyens complémentaires, incitatives et contraignantes, ainsi que leur financement. Ces travaux devront permettre de contribuer à l’atteinte des objectifs de la France, baisser les émissions de GES d’au moins 40 % en 2040. A lire strictement cet ordre de mission, il n’appartiendra pas à la convention de définir une stratégie de transition (le gouvernement est censé en disposer) mais de définir les mesures qui feraient adhérer les citoyens. En réalité, selon les interviews des uns et des autres, la Convention aura les coudées franches pour réfléchir à la politique menée mais elle devra s’attacher surtout à concilier objectifs de réduction des émissions et justice sociale.

Cette convention suscite deux sortes de réactions.

Une ONG comme Greenpeace considère qu’il s’agit là d’une manœuvre pour perpétuer l’inaction. A tout le moins, la réunion d’une telle convention conduit à repousser d’au moins 6 mois des mesures dont chacun connaît la teneur et que chacun sait indispensables.  L’Etat n’a pas besoin d’un nouveau rapport pour agir : il le pourrait dans le cadre de la loi sur les mobilités en cours de débats, par exemple en taxant le kérosène ou en imposant une contribution sur les billets d’avion. De fait, la multiplication des instances n’est pas le signe d’une forte volonté : le gouvernement a déjà créé en mai 2019 un Haut conseil pour le climat, celui-ci lui a remis, en juin dernier, un rapport très critique sur la politique de la France, qu’il suffirait d’appliquer. Au demeurant, même si le gouvernement annonce que les propositions de la convention « pourront » donner lieu à un vote du Parlement, à un référendum ou à des mesures réglementaires, il en fera bien ce qu’il voudra, au prix d’hommages appuyés à la réflexion ainsi conduite : il ne prend aucun engagement ferme, pas plus qu’il n’en a pris en créant le Haut conseil pour le climat.

A l’inverse, l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) voit une utilité à la convention : à la différence des experts, qui identifient les changement « objectivement nécessaires », une assemblée de citoyens est légitime pour définir des choix de société à adopter en dépit des blocages divers. Sa parole a donc, symboliquement et politiquement davantage de poids, puisque les participants à la convention vont eux-mêmes assumer le poids de leur choix. Les politiques pourraient certes (ou devraient ?) jouer ce rôle, mais leur prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes les conduit souvent à pencher pour un quasi statu quo. L’IDDRI attend donc de la convention citoyenne des avancées « sur des choix acceptables », ce qui rejoint une analyse d’un des animateurs du projet, Thierry Puech, selon lequel il importe, au-delà du consensus sur le constat et la nécessité d’agir, de dégager maintenant un consensus sur les solutions. l’IDDRI souhaite simplement (voir son blog : « La convention citoyenne pour le climat, pourquoi faire ? ») que la convention ne s’efforce pas de tout traiter (elle n’en aura guère le temps) et se focalise sur quelques questions cibles. Elle devrait en particulier définir ce que serait une transition « juste », ainsi que les conditions prioritaires qui nous permettraient d’accepter le changement et de changer nos comportements. Les questions sont concrètes : pour diminuer l’utilisation des voitures, faut-il agir par la taxe carbone et les bonus-malus ou en faisant évoluer l’offre de mobilité ?  Quel dispositif de taxe carbone adopter ? Ou quel curseur sur le système agricole souhaitable, entre l’agriculture mondialisée et les circuits courts d’une agriculture moins viable économiquement ? C’est aux citoyens de reformuler les grandes questions et d’y apporter des réponses.

Les deux réactions sont convaincantes : le doute existe sur la bonne foi du gouvernement qui communique sur la mise en place d’une instance de démocratie participative dont il n’attend sans doute pas grand-chose. Pour autant, il est vrai qu’il sera un peu plus difficile d’enterrer une parole citoyenne forte que le rapport du Haut conseil sur le climat. Surtout, si les experts ont tout dit sur le sujet, il reste à convaincre. Espérons que la Convention y parviendra.