Epandage de pesticides, la question qui tue

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Epandage de pesticides, la question qui tue

En vertu d’un arrêt du Conseil d’Etat du 26 juin 2019, qui annule partiellement un arrêté du 4 mai 2017, le gouvernement doit instituer une meilleure protection des riverains contre les épandages de pesticides. Le texte de 2017, qui reprenait l’interdiction précédente de pulvérisation en cas de temps venteux, n’instituait pas de zone tampon entre les champs et les habitations (seulement autour des points d’eau) ou du moins ne prenait en compte que les lieux fréquentés par des personnes vulnérables, telles les aires de jeux des enfants. De plus, s’agissant des points d’eau, l’arrêté ne prévoyait rien contre l’épandage de granulés et les ruissellements et aurait dû prévoir une protection contre le risque de pollution lié à une forte pluie. Le gouvernement est donc obligé de traiter la question, d’autant que les arrêtés pris par certains maires créant des zones tampons entre les habitations et les espaces agricoles traités, bien que suspendus par la justice, ne peuvent que mettre en lumière son inaction. Il avait déjà refusé, lors de la discussion sur le projet de loi sur l’alimentation, d’aller au-delà de la simple recommandation de chartes locales pour protéger la santé des riverains. Il faut maintenant trancher.

Curiosité de la démocratie directe, le gouvernement souhaite prendre l’avis de la population sur cette question dont on pourrait penser qu’elle relève de choix scientifiques : il soumet à consultation publique un projet de nouvel arrêté prévoyant une distance de 10 mètres minimum pour l’épandage de substances dangereuses et de 5 m pour des cultures basses traitées par des produits qui le seraient moins. Il prévoit que ces distances peuvent être adaptées (à la baisse) par des chartes locales. Il renvoie pour justifier sa position à une étude de l’ANSES : comme toujours cette agence sanitaire a donné en juin dernier un avis alambiqué, indiquant qu’elle préconise une distance de 5 à 10 m selon le cas tout en précisant que son avis repose sur des données issues d’études anciennes, que les seules distances testées dans ces études sont précisément les distances de 5 ou 10 m, que la méthode d’évaluation est en cours d’actualisation, ce qui devrait conduire à un nouvel avis en 2021 et que les distances préconisées devraient être augmentées en cas d’utilisation de substances classées cancérogènes ou mutagènes. Bref, un avis qui ne semble pas parfaitement bordé et se heurte au scepticisme des ONG environnementales, dont certaines évoquent des distances de 50 à 100 m selon le cas, voire davantage. C’est le cas de France nature environnement, qui s’appuie sur une étude réalisée dans le Tarn-et-Garonne sur les riverains comme sur les risques accrus d’altération de la santé constatés chez les agriculteurs. Pour autant, le rapport des inspections générales de 2017 sur l’utilisation des produits phytosanitaires, tout en insistant sur une meilleure protection des populations, évoque lui aussi des distances de 5 à 20 m, avec une interdiction de pulvérisation en cas de vent, peut-être parce qu’il n’existe aucune étude qui fonde un autre choix. Qu’en penser ? Peut-on réglementer sans vraiment savoir ? Ne faut-il pas dans ce cas faire référence à un principe de précaution rarement utilisé ?