Justice des mineurs : une réforme sans grandes ambitions

Epandage de pesticides, la question qui tue
15 septembre 2019
Le succès récent de l’apprentissage
22 septembre 2019

Justice des mineurs : une réforme sans grandes ambitions

La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a habilité la ministre de la Justice à réformer, par ordonnance, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Le nouveau texte qui crée un Code de la justice pénale des mineurs sera soumis prochainement à la ratification du Parlement.

La réforme innove sur deux points : est instaurée, pour les mineurs de moins de 13 ans, une présomption de non-discernement. Par ailleurs, une césure est instituée dans le procès pénal des mineurs avec, entre le prononcé de la culpabilité et le choix de la sanction, un délai de mise à l’épreuve qui permettra d’éclairer le juge sur la peine choisie.

Le premier point est en partie symbolique : dans le droit actuel, le juge peut prononcer une sanction éducative pour un mineur de moins de 13 ans s’il le juge capable de discernement. Selon le nouveau texte, qui respecte mieux la Convention internationale des droits de l’enfant, il existera une présomption de non discernement mais le juge pourra la lever s’il a la conviction que le mineur en a été capable. Rien ou presque ne change, si ce n’est que l’appréciation du juge sur la capacité de discernement de l’enfant est davantage solennisée.

La seconde mesure est plus importante. Elle vise à accélérer les procédures, jugées trop longues (18 mois en moyenne entre la constatation de l’infraction et la décision du juge) : déjà étudiée par C. Taubira quand elle était ministre de la Justice, elle prévoit que, hormis les cas graves pour lesquels des mesures d’instruction restent prévues, une décision soit prise dans les 3 mois sur la culpabilité ou l’innocence du mineur. S’ensuivra un temps de mise à l’épreuve éducative de 6 mois à 9 mois, qui permettra de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur et de mesurer sa capacité à s’améliorer. La sanction sera ensuite prononcée sur cette base.

Les opposants à la réforme avancent plusieurs arguments : d’une part, ils craignent que la loi ne prévoie des délais trop stricts sur la durée des mesures éducatives, qui pour certains enfants devrait dépasser 9 mois ; d’autre part et surtout, ils auraient souhaité que la nouvelle loi embrasse tous les aspects de la politique à l’égard de l’enfance délinquante, à la fois le volet pénal mais aussi la prévention et les mesures de protection de l’enfance. De fait, la réforme a une ambition bien moindre : pour l’essentiel, réduire les délais. Elle n’aborde pas, en particulier, la question des moyens : or, c’est à l’insuffisance du personnel judiciaire ou éducatif que l’on peut imputer un allongement des délais qui, de fait, est de plus en plus choquant, surtout lorsque des mesures éducatives ordonnées par le juge mettent des mois à se mettre en place, avec un risque de dégradation de la situation. De plus, une vision globale de la justice des mineurs aurait permis de reposer la question de leur privation de liberté : certes, comme le note l’Observatoire international des prisons, le nombre de mineurs incarcérés (à 80 % comme prévenus) est stable depuis 10 ans mais ils le sont parfois dans de mauvaises conditions, proches des majeurs et avec un régime d’incarcération peu spécifique, malgré les textes qui imposent un encellulement individuel et l’organisation d’activités. Surtout, il faudrait prendre en compte les 1500 mineurs retenus dans des Centres éducatifs fermés, dont le nombre devrait se développer. Face à ces aspirations, la réforme reste, de fait, un toilettage décevant.