Index de l’égalité entre hommes et femmes: peut mieux faire

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Index de l’égalité entre hommes et femmes: peut mieux faire

La loi du 5 septembre 2018 « Avenir professionnel » a prévu la création d’un index de l’égalité mis en œuvre par le décret du 8 janvier 2019. L’index que les entreprises doivent remplir (et publier) comporte 5 items : en premier, les écarts de rémunération à tranche d’âge et poste identiques, le niveau du poste étant mesuré par une classification « officielle », soit de branche, soit agréée par le ministère, soit, à défaut, par utilisation des 4 catégories socioprofessionnelles (ouvriers /employés /techniciens et agents de maitrise / ingénieurs et cadres) ; le second item est la répartition des augmentations individuelles entre les hommes et les femmes, le troisième, celle des promotions, le quatrième, les hausses de salaire accordées au retour de congé de maternité si les rémunérations ont augmenté pendant ce congé. Le cinquième item mesure si au minimum 4 femmes figurent dans les 10 rémunérations les plus importantes. Chaque item rapporte des points (celui sur l’égalité salariale est le plus lourd, avec 40 points au maximum) et les entreprises devront en compter 75 sur 100 pour ne pas être sanctionnées. Un délai de mise en place est accordé allant de 3 à 4 ans selon la taille des entreprises avant que des sanctions ne soient appliquées et les petites (de 50 à 250 salariés) auront des obligations simplifiées.

Le décret s’est d’abord appliqué, dès mars 2019, aux 1240 entreprises de plus de 1000 salariés : 18 % ont obtenu un score inférieur à 75 points, ce qui les oblige à prendre des mesures pour rattraper ce retard au plus tard dans les 3 ans, près d’un tiers n’augmentent pas les femmes au retour de congé de maternité s’il y a eu dans la période une augmentation des rémunérations des personnes occupant le même poste (la loi l’exige pourtant) et 50 % comptent au mieux une femme dans les 10 rémunérations les plus importantes.

Le texte s’est ensuite appliqué aux entreprises de plus de 250 salariés et les résultats ont été publiés en ce mois de septembre : les résultats sont plutôt moins bons, comme attendu. 68 % seulement des entreprises ont rempli l’index, 16 % ont une note inférieure au minimum requis, 40 % comptent au mieux une femme dans les10 meilleures salaires.

Au final, 3,5 % des entreprises assurent une égalité réelle, avec une note de 99 ou 100.

La prochaine étape, qui concerne les entreprises de 50 à 249 salariés (publication en mars 2020, avec un index un peu simplifié et promesse d’un accompagnement par les services de l’Etat) sera cruciale pour la réussite du dispositif. Le Ministère du travail compte en effet faire appliquer la loi, qui prévoit, après mise en demeure, des sanctions financières très lourdes (1 % de la masse salariale) pour les entreprises qui ne remplissent pas l’index ou qui ne prennent pas de mesures correctrices si nécessaire. Cette fermeté est nouvelle : les lois précédentes, qui obligeaient à élaborer un plan d’égalité salariale, ont été peu appliquées, sans susciter de réactions de l’Etat. La réaction des entreprises devant ce nouveau dispositif (et cette obligation de résultats) n’est pour l’instant pas mauvaise mais ce sont les petites qui auront le plus de mal à produire les données et plaideront sans doute, en cas de mauvaise performance, leur faible marge de manœuvre.

De plus, certaines contestations commencent à poindre, qui soulignent (Voir une chronique de juillet 2019 du site « Villages justice ») les imperfections de l’outil, de manière plutôt convaincante : ainsi, même si une répartition plus fine est possible, la répartition permise par les textes entre ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres, qui est la plus aisée, sera la plus utilisée. Or ces catégories sont trop larges, chacun en convient, pour permettre des comparaisons pertinentes. De ce fait, le mode de calcul permet une marge de tolérance de 5 % qui permet de camoufler des écarts de salaire importants (un écart de 15 % permet d’obtenir, avec cette marge, 30 points sur 40 en matière d’égalité salariale).

Critique plus pointue, l’index ne tient pas compte de l’importance des temps partiels féminins (sans doute parce qu’il s’agit là d’une « libre décision » des salariées) et l’écart de rémunération individuelle est calculé sur des temps pleins, ce qui ne reflètent pas la réalité vécue (les écarts d’augmentation individuelle sont plus élevés). Par ailleurs, une entreprise qui n’applique pas à ses salariées, au retour de maternité, une obligation légale d’augmentation de salaire ne devrait pas être simplement sanctionnée par une perte de quelques points. Celle qui n’applique alors aux femmes qu’une augmentation très modique sera considérée comme vertueuse, alors qu’elle conforte des différences.