Conseil d’Etat: politiques publiques, développer les expérimentations

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Conseil d’Etat: politiques publiques, développer les expérimentations

L’étude du Conseil d’Etat sur les expérimentations rappelle que la réforme de 2003 a inscrit dans la Constitution un droit à l’expérimentation, général (article 37-1 : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ») et propre aux collectivités territoriales (article 72). Il s’agit là d’un outil pour l’innovation, qui s’est répandu d’autant plus que l’intérêt pour l’évaluation des politiques publiques s’est développé. Depuis 2003, 269 expérimentations ont été lancées et le mouvement s’accélère ces dernières années. L’étude considère qu’il y a place pour le développement des expérimentations si l’on accepte de considérer que, dans le domaine des politiques publiques, l’expérimentation ne peut atteindre une rigueur scientifique absolue mais aussi que l’expérimentation doit être effective, avec un objectif défini clairement, des hypothèses à vérifier, un caractère temporaire et la définition d’une méthode d’évaluation. Il faut bien évidemment éviter les fausses expérimentations (par exemple celles qui servent juste à rassurer la population tandis que les pouvoirs publics ont en fait déjà décidé de prendre une mesure) mais surtout progresser quant à la méthodologie : la phase de préparation est essentielle tout comme l’évaluation, qui devrait être confiée à un organisme impartial. Le rapport émet des recommandations : d’abord élaborer un guide ou un document référence qui éclaire les questions méthodologiques, identification des objectifs, définition de critères de réussite, association des publics concernés, fixation des moyens consacrés, précision quant à la durée de l’évaluation. Ce n’est effectivement pas le même investissement que de comparer deux groupes de plusieurs milliers de personnes auxquels sont appliqués des traitements différents (cela a été le cas pour comparer l’accompagnement des demandeurs d’emploi par l’ANPE ou par des opérateurs privés, avec la conclusion, qui est apparue surprenante, d’une supériorité de l’ANPE) ou de construire un ou deux échantillons de collectivités qui mettront en œuvre une réforme. L’évaluation doit s’efforcer d’être objective, complète (elle doit tenir compte des réactions du public, ce qui par exemple a été négligé dans l’expérimentation des caméras-piétons des policiers), quantitative et qualitative. Enfin, le Conseil propose de faire évoluer le cadre juridique des expérimentations : celles réalisées dans le cadre de l’article 37-1 doivent être présentées dès le vote du Parlement, les expérimentations relevant de l’article 72 doivent être simplifiées, enfin il devrait être possible que certaines collectivités pérennisent une expérimentation mais sans généralisation. Le rapport, étayé, clair, est sans surprises.

L’on regrette un peu dans un tel rapport la lourdeur des développements sur la nécessaire méthodologie, au détriment peut-être d’un plaidoyer pour le développement des expérimentations dans les domaines qui y ont le moins recours : fiscalité, justice, sécurité, délinquance. Les expérimentations travaillent en effet sur des thèmes qui préoccupent les services (ouvrir ou pas le dimanche ? distribuer ou pas telle prestation ?), ou sur des innovations (la mallette des parents, l’enregistrement des interpellations), beaucoup moins sur les grandes politiques qui soulèvent pourtant des controverses passionnées. Il y aurait là matière à encourager la réflexion politique alors que le Conseil s’en tient pour beaucoup à plaider le sérieux de la conduite du processus expérimental et la nécessité d’accepter les différenciations entre les collectivités.