Construction de nouveaux EPR : les méthodes de gouvernement du vieux monde

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Construction de nouveaux EPR : les méthodes de gouvernement du vieux monde

La loi énergie climat, qui reprend les termes d’une Programmation pluriannuelle de l’énergie publiée il y a environ un an, n’est pas encore promulguée (elle est en cours d’examen par le Conseil constitutionnel) : pourtant, elle est déjà, sinon obsolète, du moins carencée. Le texte n’évoque le nucléaire que pour repousser à 2035 la réduction à 50 % de la contribution du nucléaire à la production d’électricité. Or, le gouvernement vient de demander à EDF d’étudier la construction de 6 EPR, avec un échéancier des études à remettre d’ici mi-2021, dans des termes qui ne laissent pas de doute sur la prise de décision future : il s’agit là d’une lettre de commande de préétudes.

Il est vrai que l’on a senti venir le projet de loin : la rédaction du projet de PPE était déjà hésitante sur le rythme de fermeture des centrales nucléaires. Pour l’avenir, le document prévoyait déjà que devait s’engager d’ici 2021 un travail pour étudier la faisabilité et l’opportunité d’un nouveau parc nucléaire. De même, en 2018, le gouvernement avait demandé la rédaction d’un rapport à deux experts proches d’EDF : or, le rapport D’Escatha-Collet-Billon a préconisé la construction de 6 réacteurs, avec lancement du premier chantier en 2025, recommandation émise juste avant la démission de Nicolas Hulot. Reste que jusqu’ici la décision ne paraissait pas prise : or, la demande adressée à EDF en ce mois d’octobre 2019 est précise, elle évoque deux séries de 3 EPR ainsi que les délais qui doivent séparer ces deux projets et les différentes tranches. Surtout, la demande est adressée à un exploitant qui n’a jamais fait mystère de sa conviction selon laquelle son avenir se joue sur la construction de nouveaux EPR et elle ne porte que sur un seul scénario, évacuant la construction de tout scénario alternatif. La méthode choisie fait ainsi échapper le projet à toute discussion.  Or, jusqu’à présent, il était implicitement entendu qu’il fallait attendre la mise en service de l’EPR de Flamanville en 2022 voire 2023 avant qu’une décision soit prise sur le développement de la filière. L’interview du PDG d’EDF dans le quotidien Le Monde du 17 octobre 2019 met particulièrement mal à l’aise : celui-ci affirme qu’il est clair que la France a décidé de construire de nouvelles centrales, que cette décision s’inscrit dans une continuité de bon sens, que sa propre lettre de mission mentionne ce choix. Le choix engage pourtant lourdement les finances publiques. En tout cas, en termes de contrôle démocratique des décisions, le gouvernement fait fort.