Droit de retrait : un droit d’application stricte

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Droit de retrait : un droit d’application stricte

A la suite d’un accident survenu sur un passage à niveau alors que le conducteur d’un TER était le seul agent de la SNCF présent dans le train, les cheminots de la SNCF ont récemment fait grève dans toute la France, sans avoir déposé de préavis, invoquant le droit de retrait permis en cas de danger imminent qui leur donne le droit de quitter leur de travail sans pénalisation financière. En avaient-ils le droit ? Eh bien non.

Le Code du travail, qui est en l’occurrence applicable à tous les salariés, y compris les fonctionnaires ou les agents d’un service public, indique (L.4131-1) que le travailleur « alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ».

Le travailleur peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut lui demander de reprendre son activité si le danger grave et imminent perdure.

La loi évoque un « motif raisonnable » : elle n’exige pas toutefois que le danger soit réel et laisse au salarié la possibilité d’une erreur d’appréciation, à condition cependant que celui-ci puisse démontrer qu’il pensait le danger réel (Cour de cassation, arrêt Précilec du 11 décembre 1986).

Ce danger cependant doit être ou apparaître comme « grave et imminent » : la circulaire du 25 mars 1993 du ministère du travail relative à l’application de la loi du 23 décembre 1982 qui a institué le droit de retrait précise que l’appréciation ne peut se faire qu’au cas par cas, sachant qu’un danger grave est de nature à produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou une incapacité prolongée (il ne s’agit pas d’un simple inconfort) et que « imminent » signifie que le danger est susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché. Le but du droit de retrait est donc de permettre à un salarié de se protéger d’un danger qui le menacerait directement s’il restait à son poste.

En réalité, l’invocation du droit de retrait pour dénoncer une insécurité de nature plus générale est fréquente dans les services publics : les conducteurs de bus ou les enseignants y ont très souvent recours, le plus souvent en cas d’agression d’un collègue. La jurisprudence est cependant claire : un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017 le rappelle, en validant le refus du Conseil des prud’hommes de considérer que des cheminots qui avaient arrêté le travail à la suite d’une agression d’un collègue pouvaient se prévaloir du droit de retrait. Sont alors relevés l’absence d’unité de temps et de lieu (les arrêts de travail s’étaient échelonnés dans le temps et avaient eu lieu sur des zones où il n’y avait pas eu d’incident) et le danger avait, de plus, disparu une fois l’agresseur maîtrisé. Cependant, malgré le droit, les employeurs publics qui constatent un droit de retrait en cas d’agression ne procèdent pas le plus souvent à une retenue de salaire, alors qu’ils seraient juridiquement fondés à le faire, par souci d’apaisement dans un climat d’émotion collective. La situation n’est cependant pas tout à fait identique dans le cas du récent accident de TER : la demande de présence de deux agents SNCF dans tout train est une revendication récurrente des syndicats. Cette demande peut justifier le recours à la grève mais pas au droit de retrait.