La gestion des ressources humaines à la SNCF: attention aux personnes !

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La gestion des ressources humaines à la SNCF: attention aux personnes !

La Cour des comptes a publié le 18 novembre 2019 un rapport sur la Gestion des ressources humaines du Groupe public ferroviaire. Elle y martèle la nécessité (et les difficultés) d’un changement de modèle social, compte tenu notamment des évolutions prévues par la loi du 27 juin 2018 sur le nouveau pacte ferroviaire. Elle rappelle que la reprise de 35 Mds de dette par l’Etat s’est accompagnée d’une exigence d’augmentation de la productivité que la prochaine ouverture à la concurrence imposera en tout état de cause. Or, les réductions d’emplois ont certes été engagées (- 6000 dans la période étudiée de 2012 à 2017 sur un total de 145 000, soit 1200 par an en moyenne) mais l’impact a été atténué par un recours à l’alternance, à l’intérim et aux heures supplémentaires. Reste donc à se fixer des objectifs en ce domaine (la Cour les fixe à – 2000 emplois par an), sachant que la tâche sera compliquée : l’organisation du travail est rigide, encore compliquée par des accords locaux, certains métiers (et certaines régions) sont en excédent de personnel, la polyvalence est peu répandue, la définition des métiers n’est pas adaptée. Quant à la masse salariale, elle augmente trop vite (la rémunération du personnel en place augmente annuellement au moins de 2 %), du fait d’accords sociaux jugés trop favorables et de progressions largement acquises à l’ancienneté. La Cour note que 3 % seulement des rémunérations tiennent compte de la performance. Les cotisations patronales vieillesse sont très lourdes. Enfin, le dialogue social est éparpillé entre de multiples instances et a perdu de son efficacité, ce dont témoigne une conflictualité élevée. La Cour énumère à la fin tous les avantages des cheminots : médecine de soins, régime spécial de retraite (aujourd’hui en ligne de mire, qui permet pour les roulants un départ à partir de 52 ans), logement à moindre coût dans certaines villes, action sociale importante, gratuité ou quasi gratuité des déplacements sur le réseau. La Cour préconise donc de renégocier les dispositions de l’accord d’entreprise portant sur l’organisation du travail, de définir un autre référentiel métiers en élargissant ceux-ci, de revoir les règles de progression de carrière et les règles indemnitaires, de réorganiser l’action sociale et de réduire le périmètre des avantages de circulation.

Face à ce constat, établi avec une rigidité de principe dont seule la Cour des comptes est capable, les cheminots ont crié à la provocation. Ils ont sans doute tort sur le fond : ce que dit la Cour est exact et elle a après tout raison de souligner l’urgence d’un changement de modèle. Pour autant, le management d’une entreprise obéit à des règles plus subtiles. La SNCF a dû depuis 2005 (davantage encore dans les années récentes) affronter la question de la remise à niveau d’un réseau classique longtemps négligé : le sous-investissement des décennies passées pèsera longtemps encore, certain disent 10 ans.  Les relations avec les Régions sont parfois difficiles.  Depuis 2018, la loi a imposé la transformation juridique du groupe (qui devient une société anonyme à capitaux publics), décidé de passer du statut à une convention collective de branche, organisé le passage à la concurrence qu’il va falloir affronter dès les prochains mois pour certaines lignes. Aujourd’hui s’ajoute la discussion sur le système de retraite, qui va sans doute se clore par un compromis que tout le monde trouvera injuste, les cheminots d’un côté, les promoteurs d’une réforme égalisatrice de l’autre. L’entreprise (relisons le rapport Spinetta de 2018) souffre d’un écart de compétitivité de 30 % avec des entreprises comparables. La responsabilité de ce désastre incombe autant à un pouvoir politique longtemps aveugle et veule, qui n’a pas voulu affronter la réalité, qu’à l’entreprise elle-même et à ses traditions corporatistes. Mais on n’en sortira pas en rappelant simplement la loi, l’ordre et les impératifs de saine gestion. Il faudra aussi faire attention aux salariés qui sont aujourd’hui, à tort ou à raison, ulcérés.