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Réforme de la PAC : l’audace de France Stratégie

France Stratégie a fait paraître, en octobre 2019, un long rapport de propositions sur la PAC, politique agricole commune, qui doit être réformée à horizon de 2022. On sait que la PAC a beaucoup évolué depuis l’origine. Depuis 2014, les aides sont organisées en deux parts : les aides au revenu (premier pilier), qui sont versées par hectare, avec une part censée favoriser le « verdissement » (bonnes pratiques environnementales) ; les subventions à des projets correspondant à des priorités définies (deuxième pilier), innovation, préservation des éco-systèmes ou lutte contre le changement climatique.  La PAC représente 55 Mds par an, dont la France touche 9 Mds. Ces versements représentent pour les agriculteurs français 100 % de leur revenu courant avant impôt, ce qui en fait un élément majeur de la paix sociale. Les perspectives annoncées par l’Union en 2018 pour la période post 2020 (sans doute en 2022) sont de baisser le budget de la PAC de 5 % en euros courants et d’accroître la subsidiarité : l’Union définirait certains principes et il appartiendrait aux Etats de concrétiser ces orientations dans des plans stratégiques. C’est dans ce cadre que France-Stratégie avance des propositions, qui, si elles étaient appliquées, modifieraient radicalement l’impact de la PAC, à la fois dans un sens plus redistributif (aujourd’hui les aides tiennent essentiellement compte de la taille des exploitations et favorisent les gros agriculteurs) et plus respectueux de l’environnement (les aides de la PAC sont régulièrement critiquées pour être peu exigeantes en termes de « verdissement).

France Stratégie propose :

1° De remplacer le premier pilier par des aides à l’emploi, indicateur plus simple et sans doute plus juste que les indicateurs de taille, système qui nécessite cependant un aménagement pour tenir compte des productions qui nécessitent davantage de main d’œuvre ;

2° De remplacer le 2e pilier par des aides aux « services environnementaux » fournis par les agriculteurs, avec un bonus pour le maintien de prairies permanentes, un autre pour la diversification des productions (qu’il s’agisse d’assolement en culture ou de diversification des élevages)  et un troisième pour le maintien de « surfaces d’intérêt agricole », comme les haies, les mares, les fossés, les bandes boisées ;

3° De prévoir aussi des bonus pour les zones Natura 2000 et les zones à haute valeur naturelle actuelles ;

4° De prévoir un contrat long entre des groupes d’agriculteurs et les pouvoirs publics pour les aider dans leur reconversion vers l’agriculture biologique ou l’atteinte des critères HVE (Haute valeur environnementale) ;

5° De financer une part des dépenses non couvertes par les aides européennes par des taxes sur les produits phytosanitaires, les produits antibiotiques et les engrais, élevées à terme (20 % ou 15 %) mais progressives et dont le produit serait entièrement redistribué aux agriculteurs.

Le document chiffre le tout (le premier pilier représente 5,7 Mds, le second 1,7 Mds, les taxes rapporteraient  3,7 Mds) et a calculé la redistribution induite :  certains types de culture (les grandes cultures, les élevages intensifs) y perdraient fortement et « devraient s’adapter ».

Le document redonne de la cohérence à la politique agricole. Il s’inscrit dans une politique de respect de l’environnement beaucoup plus stricte. Mais les plus grands syndicats agricoles sont vent debout devant cette vision « punitive ». La difficulté serait, de plus, de mener à bien les reconversions nécessaires…Reste malgré toutes ces difficultés, à s’en inspirer pour travailler, au lieu de réclamer à cor et à cri le maintien de la PAC actuelle, vouée à disparaître. Un regret toutefois : le rapport est muet sur la compétitivité des produits agricoles tout comme il n’évoque pas les traités qui ouvrent les frontières  à des produits étrangers. Or, les agriculteurs éprouvent de fortes inquiétudes sur ce sujet, difficilement séparable de la politique des aides.