Enquête PISA 2018 : des résultats stables, une indifférence coupable

L’empathie pour les petits maires a ses limites
1 décembre 2019
Pesticides : prise de conscience accélérée
8 décembre 2019

Enquête PISA 2018 : des résultats stables, une indifférence coupable

Les résultats de l’enquête PISA 2018, réalisée en France auprès de 6300 élèves de 15 ans, ont été publiés. Ils comparent la France à 78 autres pays de l’OCDE. Ces résultats montrent une stabilité d’ensemble par rapport à ceux de l’enquête précédente de 2015 : la France est un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE dans les trois domaines étudiés, compréhension de l’écrit, sciences et mathématiques, où la baisse constatée il y a quelques années ne s’est pas poursuivie. Ouf ! Tout le monde est content, comme si l’enjeu était d’éviter une nouvelle humiliation. Naturellement, la stabilité constatée n’est pas une bonne nouvelle : comme les années précédentes, le niveau « moyen », plutôt médiocre par définition, recouvre des écarts forts liés à la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance (un écart de 107 points entre les élèves favorisés socialement et ceux qui sont les plus défavorisés, contre 89 pour la moyenne de l’OCDE) et, en particulier, aux différences d’origine. Alors que dans la moyenne OCDE, 3 enfants immigrés sur 8 relèvent d’un milieu défavorisé, c’est un sur deux en France et 52 points séparent les élèves immigrés des autres en compréhension de l’écrit (contre 40 en moyenne OCDE), bien davantage s’agissant des enfants immigrés récemment arrivés.

L’enquête est souvent relativisée compte tenu du décalage existant entre les politiques menées et l’évaluation : de fait, l’impact des mesures prises récemment de dédoublement de classes du primaire ne se verra, si elle se voit, que dans 10 ans. Les ministres ont donc un discours tout fait : ils reconnaissent l’existence d’inégalités mais estiment qu’ils sont en train de les corriger. Pour autant, la stabilité des résultats d’enquête PISA en enquête PISA tient à des facteurs qui n’ont pas changé, en particulier la concentration des élèves défavorisés dans les mêmes établissements qui est, selon l’OCDE, une des causes des mauvais résultats. Quant aux enseignants, ils expliquent la médiocrité des résultats par la dégradation de la situation sociale dans le pays et la montée de la pauvreté, sans prêter attention au fait que d’autres systèmes parviennent mieux à réduire les fractures sociales existantes : l’on demande à l’école de corriger celles-ci autant qu’elle le peut, pas de les reproduire.

Surtout, PISA n’est malheureusement pas une enquête isolée. L’OCDE réalise plusieurs autres enquêtes qui doivent être regardées en perspective. L’enquête Pirls de 2016 sur le niveau en lecture des élèves de CM1 montre que, si la France se situe au-dessus de la moyenne des 50 pays évalués, elle se situe en dessous de la moyenne européenne et en recul par rapport à l’enquête précédente de 2011. Là aussi, c’est l’augmentation des élèves faibles qui pénalise les résultats. Si l’on creuse le diagnostic, il s’aggrave : le retard est lié à l’insuffisante compréhension des textes informatifs (plus que des textes narratifs, d’appréhension plus aisée). Les élèves parviennent à prélever des informations dans ces textes mais pas à comprendre les intentions de l’auteur ni son argumentaire. Enfin, l’enquête Timss de 2015 qui évalue les élèves de CM1 en maths et sciences classe la France en deçà de la moyenne internationale et européenne.

Alors, au final, la faute à qui ?   Certainement à l’organisation du système scolaire qui concentre les difficultés sociales dans certains établissements et reste indifférente, voire hostile, à la recherche de mixité, sachant que les procédures d’affectation des enseignants n’arrangent rien. Certainement aussi à la pédagogie des enseignants : l’enquête PISA révèle ainsi, comme les précédentes, que les élèves français se sentent nettement moins soutenus par leurs enseignants que dans les autres pays. Sans aucun doute aussi (mais c’est lié) à la faiblesse de la formation initiale et continue des enseignants : Pirls montre ainsi que les enseignants en français ne posent pas de question sur les intentions de l’auteur d’un texte et Timss souligne qu’ils se déclarent mal à l’aise en maths et en sciences. L’enquête Talis de 2018 sur les enseignants est particulièrement éclairante : ceux-ci se déclarent mal préparés à répondre à des besoins particuliers de leurs élèves (l’individualisation est difficile) et, pire, à gérer leur classe. Leurs méthodes restent très classiques : ils cherchent plus à transmettre qu’à développer les compétences des élèves Il est donc urgent d’entreprendre des efforts de formation. La nouvelle loi pour une Ecole de la confiance prévoit une réforme de la formation initiale, avec, dans les nouveaux Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’Education, un pourcentage de temps réservé à la pédagogie, aux stratégies éducatives et à la gestion de classe.  Elle rend également obligatoire pour tous la formation continue. C’est un premier pas. Reste à agir sur l’organisation du système et la concentration des difficultés dans certains établissements et là, on n’en prend pas vraiment le chemin.