GRH dans la fonction publique : le chaud et le froid

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GRH dans la fonction publique : le chaud et le froid

Les décrets de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 paraissent progressivement : c’est le cas, en particulier, du décret du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l’évolution des commissions administratives paritaires. Que dit le texte ? En premier lieu, il concrétise les dispositions de la loi quant aux compétences des CAP, commissions administratives paritaires jusqu’ici constituées par corps dans la fonction publique d’Etat et compétentes pour donner un avis sur toutes les décisions ayant des conséquences sur la vie professionnelle des agents, mobilité, avancements, discipline. Désormais, les CAP seront composées par grandes catégories hiérarchiques et ne restent compétentes (la protection demeure) que pour les décisions défavorables aux agents : refus de titularisation, licenciement, refus du bénéfice de certains congés, de temps partiel, de formation ou de recours au télétravail. Elles gardent leur rôle consultatif en matière disciplinaire et peuvent être saisies par l’agent d’une demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel. L’on sait les débats que ces changements ont suscité : les organisations syndicales y ont vu, à juste titre, une « diminutio capitis » : il est certain que leur influence sur les déroulements de carrière en sera affaiblie mais était-ce leur rôle ?

La décision a en tout cas une contrepartie très positive :  la loi prévoit que le nouveau comité social d’administration présent au niveau des ministères et des directions et services se prononce sur « les orientations dans le domaine de la politique des ressources humaines » (recrutements, parcours professionnels, promotions, formation, mobilité, égalité professionnelle).

Le décret du 29 novembre 2019 précise cette compétence : élaborées par les autorités responsables de la politique de ressources humaines dans un ministère, un service, un établissement public, ces « lignes directrices de gestion » portent d’abord sur les enjeux et les objectifs à poursuivre, en tenant compte de la situation des métiers, des effectifs et des compétences. C’est reconnaître que les DRH ministérielles doivent mieux étudier les caractéristiques de leurs personnels et repérer les difficultés principales à solutionner, en particulier s’agissant des recrutements ou du développement des compétences. Il s’agit certes d’évidences mais, à vrai dire, qui se préoccupe vraiment aujourd’hui des mesures à mettre en place pour renforcer l’attractivité des métiers d’enseignants ou assurer le maintien des compétences des policiers ? Deux grands domaines doivent être ensuite clarifiés, d’abord la politique de mobilité, ensuite les critères des promotions et le suivi des parcours professionnels. Le dispositif n’est pas seulement indicatif : les lignes directrices de gestion doivent ainsi préciser à quelles conditions les fonctionnaires ayant exercé pendant une durée minimale dans des territoires difficiles peuvent bénéficier d’une priorité de mutation ou les conditions qui serviront à fixer la durée minimale et maximale d’occupation des emplois. Pourquoi ce nouveau dispositif de « lignes directrices » ? Le but est sans doute de rassurer les agents qui voyaient dans l’existence des CAP un rempart contre l’arbitraire des décisions de l’administration : les CAP avaient d’ailleurs construit une doctrine sur les mutations, les promotions et les avancements dont le contenu, qui faisait une grande place aux critères d’ancienneté, était au demeurant contesté. L’objectif est de formaliser une doctrine plus complète reposant sur une analyse des enjeux et problématiques ministérielles et sur des choix de GRH. L’administration peut ainsi échapper, dans ses décisions, à une gestion uniquement statutaire, appelée à se combiner avec des choix de ressources humaines. L’objectif est aussi de permettre une déconcentration, certes limitée : des adaptations locales sont possibles, même si le dispositif impose une cohérence entre les lignes ministérielles et celles des niveaux hiérarchiquement inférieurs.

 Il faudra voir ce que donne l’exercice en grandeur réelle : comme d’habitude, il y aura sans doute le pire (de longues généralités tièdes) et le meilleur (le repérage des enjeux majeurs et la définition de politiques adaptées). Mais il faut reconnaître que, sur le principe, c’est un progrès.

Le rapport rédigé dans le cadre de l’examen du PLF par l’Assemblée nationale sur « La gestion des finances publiques et des ressources humaines » dans la fonction publique par deux députés d’En marche ! est pourtant sévère pour la politique de ressources humaines de l’Etat. Certes il reconnaît, avec une bonne dose de naïveté, les apports de « l’infusion des bonnes pratiques du secteur privé » dans la fonction publique. Mais ensuite le rapport part un peu dans tous les sens : il y est à la fois regretté le retard d’une « véritable » politique RH dans la fonction publique et l’apport du schéma directeur de la formation professionnelle qui réussirait à diffuser une culture managériale à tous les encadrants. Surtout, il regrette l’absence d’une politique salariale, le défaut d’attractivité de la fonction publique, la fragmentation des systèmes indemnitaires, la faiblesse des réponses aux conditions de travail et notamment aux risques psycho-sociaux…certes, mais enfin, la faute à qui ?